Accord UE-Mercosur, voué à disparaître ?

23 September 2020 /

3 min

L’accord entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) a pour ambition de permettre un échange plus direct de produits et d’investissements en réduisant les droits de douanes et de taxes. En permettant l’accès à un marché de 260 millions de consommateurs, les 27 créeraient un « nouveau cadre commercial » permettant à leurs entreprises d’exporter davantage. Toutefois de nombreuses études et rapports montrent que cet accord serait un frein à l’ambition écologique affichée par les institutions européennes.

Bien qu’Angela Merkel ait longtemps apporté son soutien à cet accord, la chancelière allemande a exprimé de « sérieux doutes » quant à l’avenir de ce dernier. Comme mon collègue Sami Chauvet l’expliquait dans un précédent article, il n’y a plus que le Green Deal qui pose des limites à la finalisation de cet accord. En perdant l’un de ses plus ardents défenseurs en la personne d’Angela Merkel, plus rien ne laisse envisager sa ratification suite à la déferlante écologiste qui traverse l’Union européenne.

Nous pouvons noter l’exemple de la Suède ou plus récemment de la France qui a lié son plan de relance à la transition écologique. Les organisations de fermiers se mobilisent, appuyées par les députés européens (tels que Maria Arena ou Saskia Bricmont) et appellent à une cassure pure et dure de cet accord. Lui reste-t-il des chances de survie ? Petit tour d’horizon.

De manière objective, il est peu probable que cet accord entre en vigueur. Le soutien de l’Allemagne en moins, les dernières semaines ont concentré de nombreux arguments « contre » cet accord, notamment du côté français : non-respect de l’Accord de Paris de 2015, absence d’alignement sur les normes d’importations européennes et surtout manque d’engagement pour la protection de l’Amazonie où les incendies ont progressé de 28% en un an. Ces trois points essentiels ont été énoncés par le gouvernement français le 18 septembre 2020 suite à un rapport de la Commission d’évaluation (composée d’experts indépendants) mandatée en juillet 2019.

L’inquiétude du gouvernement français est partagée par les ONG dont les arguments contre l’accord sont légion : « L’Amazonie brûle, l’Europe coupable » pouvait-on lire le 11 septembre dernier sur la banderole déployée par Greenpeace sur le Berlaymont, bâtiment de l’exécutif européen. Chiffrant à 10% la part de l’UE dans la déforestation dans le monde, l’ONG appelle à des boycotts sur les importations de produits sud-américains dont la production pollue davantage que les mêmes produits fabriqués en Europe (bœufs, soja, maïs et cacao entre autres). Exprimées également par l’ONG WWF qui insiste sur la part de l’élevage dans la déforestation en Amazonie à hauteur de 80%, ces critiques sont arrivées jusqu’au Médiateur européen (que l’on pourrait comparer à un agent de contrôle). Ce dernier a lancé en juillet dernier une investigation afin de vérifier si la Commission européenne a pris en compte son obligation de mener des politiques environnementales conformes au Green deal et à la récente European Climate Law. L’étau se resserre jusqu’à Bruxelles donc.

Pour l’instant rien ne nous permet d’affirmer que cet accord sera bloqué. Mais les récents événements nous poussent à privilégier cette hypothèse et ce dernier doit encore être signé par tous les parlements nationaux des pays membres et le Parlement européen. Autant dire que l’exploit est de taille, là où le parlement néerlandais a déjà rejeté l’accord. Emmanuel Macron et Angela Merkel ont été appelés à convaincre leur parlementaires de faire de même. Ils ne pourront pas compter sur le soutien d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, qui a évité ce sujet lors de son discours sur l’État de l’Union le 16 septembre dernier. Ils devront convaincre les autres pays membres durant le Conseil européen du 15 et 16 octobre prochain, en espérant que cet accord ne restera pas dans l’ombre d’un autre encore plus brûlant : celui du Brexit.

Thomas Rambaud est jeune diplômé de master de l’Institut d’Études Européennes/ULB de Bruxelles.

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