Cinq clichés sur l’Union européenne

14 September 2020 /

6 min

“L’Euromythe” est un mot-valise créé par la Commission européenne qui désigne une rumeur diffusée à propos de certaines politiques européennes et visant à mettre en avant la supposée absurdité bureaucratique de l’Union européenne. Depuis sa création, l’Union européenne a toujours déchaîné les passions dans les débats politiques, amenant son lot d’inepties, de raccourcis et d’infoxs (comprenez fake news). Alors si la Commission européenne essaye quotidiennement de lutter (de manière assez vaine) contre ces fausses idées, le flux de ces discours inexacts ne réduit pas, au contraire, il s’épaissit. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de vous présenter le classement des 5 plus beaux clichés sur l’Union européenne.

1.L’Union européenne coûte cher.

Parmi les fausses informations circulant sur l’UE, c’est la plus célèbre et la plus utilisée. Elle fut l’un des arguments les plus mis en avant par le camp du “Leave” en 2016, lors de la campagne du Brexit.  Or cet argument n’est pas justifié. En effet, le budget européen représente environ 1% de la richesse collective des Etats membres. Et si on prenait un peu de recul et que l’on dressait un bilan coûts/revenus ? D’un côté, ces 1% ont permis à l’Europe des décennies de paix, une expansion économique sans précédent (l’Union européenne est devenue la première zone économique mondiale), et de nombreuses politiques communes dont on peut quotidiennement apercevoir les bénéfices (Erasmus, PAC, fonds de cohésion…)

2. L’Union européenne impose trop de règles.

Le Journal officiel, qui recueille tous les textes législatifs et toutes les décisions administratives de l’Union européenne, est épais d’environ 90.000 pages. Alors la question est légitime, y a-t-il trop de règles ?

Tout d’abord, il faut savoir que les textes législatifs représentent seulement un tiers de cette masse administrative, le reste est un ensemble hétérogène de décisions administratives. Ensuite, il est important de noter qu’une grande partie de ce corpus se concentre sur des secteurs précis (pêche, finances, économies, agriculture, etc…). Mais aussi que dans ce corpus, un nombre non-négligeable de textes ne sont plus en vigueur. Et enfin, qu’une partie de ces textes proviennent d’accord entre l’UE et des pays tiers. Pour finir, voici une statistique intéressante : la part des lois européennes dans l’entièreté des lois appliquée dans un pays comme la France représente seulement 20%. 

Ce problème d’inflation des textes législatifs est présent dans quasiment tous les Etats membres, Sylvie Goulard, femme politique française et spécialiste de l’Union européenne, résume cela assez bien en disant “C’est plutôt un mal du siècle et non un mal européen“.

3. L’Europe est la proie des lobbies.

Essayons d’abord de définir ce qu’est un lobby, qui a une connotation assez négative. Un lobby est une structure organisée pour représenter et défendre les intérêts d’un groupe donné, en exerçant des pressions ou influences sur des personnes ou institutions détentrices de pouvoir. 

Bruxelles étant le cœur névralgique de l’Union européenne, il est donc normal de voir toute une foule de lobbyistes, voici d’ailleurs quelques chiffres. À Bruxelles, il y a 5.300 entités, avec environ 25.000 travailleurs. Sur ces 5.300 entités, 70% représentent des intérêts privés, 20% des intérêts publics et les 10% restants sont des associations de la société civile.

Il faut d’abord savoir que les députés doivent voter toute une multitude de textes assez précis et ne peuvent avoir une connaissance sur l’impact de chacun d’entre eux. Les lobbies peuvent donc leur apporter ces informations. Et si un lobby peut favoriser une multinationale au détriment de certains citoyens, il peut aussi privilégier l’intérêt général (par exemple une ONG défendant la protection de l’environnement). Il ne faut donc pas mettre tout le monde dans le même panier. La question de la transparence est aussi souvent relevée mais la pratique des lobbies est très encadrée et les députés ne peuvent accepter aucune contrepartie financière ou assimilée. Alors si la majorité représente des intérêts privés, rien n’oblige les députés européens et les décideurs politiques à les écouter.

4. Les politiques économiques sont dictées par Bruxelles.

Voici l’un des arguments les plus fréquemment utilisés par les eurosceptiques, notamment par François Asselineau lors de l’élection présidentielle française de 2017.

L’article 121 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne dit que les Etats-membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d’intérêt et les coordonnent au sein du Conseil de l’Union européenne. Mais cet article ne présente que les grandes orientations des politiques économiques des Etats membres. Il ne présente pas une feuille de route précise, il définit juste les grandes lignes des futures politiques économiques. Donc ces Etats membres ne seront pas contraint par exemple, de baisser l’impôt sur les sociétés, d’augmenter la TVA ou d’autres diktats économiques 

Et il faut aussi noter qu’il n’y a pas de sanctions mais juste des avertissements en cas de non-respect de ces règles. Le meilleur exemple est le critère de Maastricht, qui impose que le déficit ne dépasse pas 3% du PIB, or on ne compte plus les pays qui n’ont pas respecté cette règle de convergence.

5. Le salaire des fonctionnaires européens coûte trop cher.

Présentons d’abord la fonction publique européenne en quelques chiffres :

Les institutions emploient 60.000 fonctionnaires et agents, si l’on prend un peu de recul, c’est relativement peu, car ces 60.000 fonctionnaires font fonctionner chaque jour une Union de pays composé de plus ou moins un demi-milliard d’individus. C’est à peine plus que le nombre de personnes qui travaillent pour la ville de Paris (51.000). 

Mais la question est de savoir s’ils coûtent trop cher. C’est seulement 7% du budget européen qui est réservé aux dépenses administratives. Selon une étude de la Commission, cela revient à 3 centimes par jour pour chaque citoyen, soit plus ou moins 6,60 euros par an.

« Mais ces fonctionnaires ne payent pas d’impôts » Encore un mythe à déconstruire. Concrètement, le salaire des fonctionnaires européens est dispensé de l’impôt sur le revenu national. Mais ils sont soumis à un impôt communautaire retenu à la source, qui est directement reversé au budget de l’UE. Cet impôt peut s’étendre entre 8% à 45% de leurs revenus.

Comme dit l’adage, “il n’y a pas de fumée sans feu”, alors évidemment, il y a généralement  une part de vérité, mais la réalité est souvent plus complexe. Et si certains de ces clichés peuvent faire sourire, il ne faut surtout pas sous-estimer leur importance dans le monde politique actuel, à l’heure où les réseaux sociaux diffusent largement ces idées sans la moindre vérification. Et ces fausses idées pèsent de plus en plus dans la balance, que ce soit en Europe ou ailleurs. C’est la raison pour laquelle la vérification de données doit être plus en plus présente dans le journalisme pour la sauvegarde la démocratie. Mais les citoyens ont aussi le devoir de remettre en doute les informations qu’ils voient sur les réseaux sociaux et ailleurs, et s’interroger sur la provenance de cette source. C’est un travail de fond qui doit être réalisé d’un côté par nos institutions, mais nous avons aussi le rôle de remettre en question nos modes de recherche d’information. 

Jean-Stanislas Bareth est étudiant en première année de master à l’Institut d’Etudes Européennes.

Cet article est apparu dans le magasine publié le 20 juin 2020. Lisez le magasine dans son entièreté ici.

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