La stratégie globale de l’Union européenne, un an après.

09 August 2017 /

Avril 2016 fut l’un des pires mois pour l’Union européenne depuis son existence. Le référendum pour le Brexit venait d’avoir lieu. Le jour même du vote, Nigel Farage déclarait que « le génie eurosceptique est maintenant hors de la bouteille et il n’y sera pas remis ». Le début de la fin pour l’UE? Pas selon la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Federica Mogherini.

Seulement cinq jours après le référendum, elle décida de présenter un nouveau plan pour la politique extérieure et de sécurité de l’Union : la Stratégie globale de l’UE (SGUE). Mme. Mogherini souhaitait prouver que, contrairement à ce que disaient certains détracteurs, ce n’était pas le début de la fin ou un retour en arrière, mais une relance de l’UE, plus forte et plus sûre. Douze mois plus tard, elle applaudit les résultats obtenus et annonce que la Stratégie est sur une très bonne voie. Mais en quoi consiste cette SGUE, et ses résultats sont-ils vraiment excellents un an après comme le proclame Mme. Mogherini? Analyse.

Objectifs de la SGUE

Mme. Mogherini s’est voulu plus pragmatique avec cette nouvelle stratégie qui remplace l’ancienne Stratégie européenne de sécurité de 2003. Mogherini déclarait elle-même que l’UE a besoin de la SGUE et que cela « est même [d’autant] plus vrai depuis le référendum britannique » (AFP, 2016). Avec cette nouvelle stratégie, c’était l’heure du Realpolitik : futur commandement militaire unique pour l’UE, nouvelle division multidimensionnelle – le “PRISM” – afin de lutter contre les crises et conflits, formation de garde-côtes libyens, regard critique tourné vers les dépenses militaires des pays membres afin de voir comment ils peuvent mieux investir en commun et économiser, fonds européen pour la défense, etc. Des moyens importants sont aussi accordés pour lutter contre le terrorisme, à l’intérieure comme à l’extérieur de l’Union. En outre, la Stratégie ambitionne, à travers des actions et des politiques, d’éviter de futures crises de réfugiés, de futures guerres civiles et de nouvelles catastrophes humanitaires. Pour Stéphane Rodrigues, maître de conférence en droit public à Panthéon Sorbonne, la SGUE est la « colonne vertébrale » sur laquelle l’Europe va désormais pouvoir s’appuyer en matière de défense (LEQUEUX, 2017). Voilà, rapidement, les objectifs de la SGUE. Mais qu’est-ce qui a été réalisé concrètement durant la période 2016-2017, en particulier sur le sujet de la résilience et de la défense?

La résilience

En ce qui concerne les actions pour éviter une nouvelle crise de réfugiés ou une guerre civile (ce que l’UE appelle sa nouvelle stratégie en faveur du renforcement de la résilience), la SGUE s’est concentrée en premier lieu sur ses « voisins » européens, afin de diminuer les risques d’atteinte à la sécurité intérieure de l’UE. Ainsi, à l’est, l’UE a poussé l’Ukraine à réformer ses administrations et à lutter contre la corruption en octobre 2016. Au sud, le même mois, elle a par ailleurs lancé une mission de formation des garde-côtes libyens afin de mieux lutter contre les passeurs et aider les réfugiés en mer (GROS-VERHEYDE, 2016). Suivant les suggestions de la Stratégie, l’UE a ensuite fait des efforts pour améliorer la vie des migrants et aider à maintenir la paix et la sécurité dans différentes régions du monde, comme en Jordanie, au Nigeria, au Sahel, etc. Des efforts certainement conséquents, mais apparemment insuffisants jusqu’ici, la crise des réfugiés continuant d’agiter le continent européen (comme dernièrement à la frontière italo-autrichienne).

Dans le domaine de la lutte contre les conflits, notons également la création par Federica Mogherini de la division PRISM (prévention des conflits, état de droit/réforme du secteur de sécurité/approche intégrée, stabilisation et médiation) afin de lutter contre les crises rapidement et avec flexibilité. Il est un peu tôt pour en juger l’efficacité, mais cette division semble être une bonne initiative. Il reste à voir si elle pourra être décisive en cas d’urgences. Cependant, renforcer la résilience des pays fragilisés par des conflits internes a pour conséquence d’également renforcer les régime de ces pays, lesquels sont le plus souvent de nature autoritaire. Il faudrait alors insister en plus sur le respect des droits de l’homme, ce qui se trouve être une question plus compliquée (BISCOP, 2016).

La défense

Pendant ce temps, dans le domaine de la défense européenne, de nombreux changements ont eu lieu.  Premièrement, Le Conseil, sur recommandation de la Haute Représentante, a décidé en 2016 de mettre en place un examen annuel coordonné en matière de défense pour « faciliter le partage d’informations entre les États membres sur leur processus de planification de la défense et la mise en œuvre d’un plan de développement des capacités » (EEAS, 2017).

Parmi les avancées les plus marquantes figure l’accord du 6 mars 2017 sur un début de QG militaire européen à Bruxelles, nommé MPCC (capacité militaire de planification et de conduite). D’un côté, ce «QG» aura pour but de s’occuper de la planification et de la conduite des missions militaires à mandat non exécutif, c’est-à-dire non combattantes (VINCENTI, 2017). De l’autre côté, il s’agit davantage d’une direction générale que d’un vrai QG militaire, qui sera dirigé par un directeur et non un commandant. De plus, les missions exécutives, elles, continueront d’être dirigées depuis des QG nationaux installés dans les États membres (CHAPLEAU, 2017). Néanmoins, cela reste une victoire vu qu’auparavant les Britanniques s’étaient toujours obstinés à empêcher la mise en place d’un QG de ce type. Par ailleurs, les bases d’une Union européenne de la sécurité et de la défense sont maintenant également en cours d’édification, en complémentarité avec l’OTAN et la PSDC, afin de continuer à améliorer la coopération européenne sur la sécurité ainsi que ses capacités militaires, le tout afin de se doter d’une défense plus renforcée et compétente (Parlement européen, 2016).

Enfin, la Commission européenne a également suggéré la mise en place d’un Fonds européen de la défense, qui permettra au budget de l’UE d’être directement investi dans la recherche et développement militaire pour la défense. Tout cela est beau, cependant, plusieurs de ces idées nécessitent l’accord des pays membres pour être mis en place. Bonne nouvelle, la plupart des dirigeants européens n’ont pas l’air d’être directement contre ces idées, voire sont favorables (DUMOULIN, 2017). Les ministres des Affaires étrangères de la France et de la République Tchèque ont même déclaré en novembre 2016 que « la protection du continent européen et de ses citoyens passe par le renforcement de l’autonomie stratégique de l’Europe et l’intensification de nos efforts communs en matière de défense et de sécurité nationales » (AYRAULT et ZAORALEK, 2016)La coopération européenne et le renforcement de la défense dans l’UE se sont bien améliorés mais quoi qu’il en soit, beaucoup de ces projets ne sont pas encore finalisés.

Conclusion

Nous voici un an plus tard. La Stratégie globale de l’UE a effectivement connu des débuts prometteurs, en lançant de nombreuses propositions/actions en une seule année. Chacune des avancées prises indépendamment ne sont pas très épatantes, mais prises ensemble elles ont le mérite de donner de l’espoir pour le futur de l’UE dans le domaine de la défense et de la sécurité. Et l’UE a besoin – maintenant plus que jamais – de projets ambitieux. A voir si tous les projets aboutiront effectivement en politiques concrètes et si la stratégie restera aussi ambitieuse en pratique qu’elle l’est actuellement. Terminons par ces propos encourageants de Sven Biscop, directeur à l’Institut Egmont de Bruxelles : « la SGUE est le document de l’UE le plus ambitieux sur la défense à l’heure actuelle. Pour la première fois, l’autonomie stratégique est devenue de manière non-ambigüe l’objectif » (BISCOP, loc. cit.).

Robin Vanholme est étudiant en 1ère année à l’Institut d’études européennes de l’ULB.

Sources

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