Renforcer la coopération en matière de renseignement dans l’UE : Progrès et défis

10 July 2023 /

8 min

Ces dernières années, le renseignement a gagné en importance dans les affaires de l’Union européenne, notamment en raison du nombre croissant de problèmes de sécurité. La collecte et l’analyse de renseignements sont au coeur des questions de sécurité complexes, et l’UE a reconnu leur rôle vital dans la protection de ses États membres. Bien qu’il soit souvent méconnu du public, le renseignement est un outil essentiel qui permet à l’UE de s’affirmer en tant que leader mondial dans le domaine de la sécurité.
La présence de plusieurs agences de renseignement réparties sur l’ensemble du continent européen confère à l’UE un avantage unique pour détecter et anticiper les menaces telles que le terrorisme, les tensions géopolitiques et la cybercriminalité avant qu’elles ne dégénèrent. L’UE prend donc des mesures pour renforcer ses capacités de renseignement afin de faire face aux nouvelles menaces auxquelles elle est confrontée. Comment l’UE a investi dans le renseignement, et comment en a-t-elle tiré parti pour s’affirmer en tant que leader mondial dans le domaine de la sécurité ?

L’affichage actuel du renseignement : Trop de fragmentation ?

Dans le paysage géopolitique actuel, le renseignement est devenu indispensable pour préserver les intérêts d’une nation en matière de sécurité. En Europe, le stade actuel du renseignement est un système fragmenté où les agences de renseignement nationales ont la priorité : le renseignement de l’Union européenne n’entre en jeu que dans son ensemble. Ces agences nationales sont reliées à l’UE par l’intermédiaire du Centre de situation et de renseignement de l’Union européenne (INCTEN), créé en 2012 pour analyser un large éventail de sources susceptibles d’aider les États membres, les délégations de l’UE et les partenaires extérieurs.

Il est important de noter que l’INCTEN est une sous-catégorie du Service européen pour l’action extérieure (SEAE), qui a été créé en 2011 à la suite du traité de Lisbonne. Cette institution est de nature civile et non militaire. Elle connecte les institutions de l’UE aux agences nationales de renseignement, couvrant uniquement le renseignement civil. Toutefois, pour faire le lien avec la division militaire, l’INCTEN travaille en étroite collaboration avec la division État-major européen, connue sous le nom d’EMUE-INT. Cette collaboration a permis à l’UE de franchir une étape importante vers une plus grande intégration des efforts de renseignement et des efforts militaires dans sa stratégie de sécurité. En travaillant en étroite collaboration, l’INCTEN et l’EMUE-INT peuvent s’assurer que les renseignements recueillis sont utilisés efficacement pour informer et soutenir les opérations militaires de l’UE. Dans un monde où les menaces peuvent provenir de nombreuses directions, il est essentiel que les capacités de renseignement de l’UE soient à la fois robustes et intégrées. L’UE a réalisé d’importants investissements dans les technologies de pointe et s’efforce de renforcer sa collaboration avec les agences nationales de renseignement de ses États membres. Cette approche proactive a fait de l’UE un acteur de premier plan dans les affaires de sécurité mondiale, renforçant ainsi son leadership dans ce domaine crucial.

Outre l’INTCEN, l’UE a également créé d’autres agences de renseignement afin de renforcer la coopération et la coordination entre les États membres. Par exemple, l’Office européen de police (Europol) et le Centre européen de lutte contre le terrorisme (ECTC) se concentrent respectivement sur la lutte contre la criminalité transnationale et le terrorisme. Europol recueille et analyse les renseignements relatifs à la criminalité transnationale, tandis que le CECT se concentre sur l’analyse et le partage des renseignements relatifs aux menaces terroristes et sur l’identification des individus et des groupes impliqués dans des activités terroristes. L’UE a également lancé plusieurs initiatives visant à promouvoir la recherche et le développement de technologies de collecte de renseignements. Par exemple, le Fonds européen de défense et le Programme européen de développement industriel de la défense visent à promouvoir le développement des capacités de défense, y compris les technologies de collecte de renseignements.

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Principal défi de la coopération : La confiance entre les États membres

Quelles sont les réponses actuelles aux nouveaux défis ? Malgré la grande diversité des divisions du renseignement et les progrès réalisés, il reste des défis à relever pour renforcer la coopération en matière de renseignement entre les États membres. Les intérêts nationaux et les préoccupations liées au partage d’informations sensibles peuvent entraver la coopération, et les différences de cultures et de pratiques en matière de renseignement peuvent également poser des problèmes. Toutefois, la volonté de l’UE de renforcer la coopération et la coordination en matière de renseignement entre les États membres reste forte, comme en témoigne la mise en place de la cellule de fusion hybride pour relever les nouveaux défis en matière de sécurité, tels que les menaces hybrides.

La création de l’INCTEN et l’étroite collaboration entre l’INCTEN et l’EMUE-INT sont des étapes importantes vers une plus grande intégration entre les aspects civils et militaires des efforts de sécurité de l’UE. Pourtant, certains experts affirment que la fragmentation actuelle du renseignement dans l’UE reste un défi. Selon eux, l’absence d’une agence de renseignement centralisée rend la coordination et le partage d’informations difficile entre les États membres, ce qui risque d’entraver la capacité de l’UE à répondre efficacement aux menaces qui pèsent sur sa sécurité. En réponse à ces défis, l’UE a pris des mesures pour renforcer ses capacités de renseignement.

En 2016, la Commission européenne a proposé la création d’une unité européenne de renseignement (EIU) pour renforcer la capacité de l’UE à recueillir et à analyser des renseignements, ainsi que pour améliorer le partage d’informations entre les États membres. Cette proposition a suscité des réactions mitigées, certains estimant qu’elle porterait atteinte à la souveraineté nationale et ferait double emploi avec les agences de renseignement nationales existantes. En 2020, la Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie en matière de sécurité, qui prévoit la création d’une nouvelle unité cybernétique conjointe pour lutter contre les cybermenaces et renforcer la capacité de l’UE à répondre aux menaces hybrides, telles que les campagnes de désinformation et l’ingérence étrangère. Ces menaces sont de plus en plus courantes à l’ère numérique, car des acteurs étatiques et non étatiques cherchent à exploiter les faiblesses des processus et des institutions démocratiques de l’UE. Pour contrer ces menaces, la stratégie de l’Union européenne comprend des mesures telles que le renforcement des capacités de communication stratégique de l’UE, l’amélioration de la coordination entre les États membres et les agences concernées, et l’augmentation de la résilience des infrastructures critiques. Un autre développement important dans le paysage du renseignement de l’UE est la création du Parquet européen (EPPO) en 2017. L’OEPP est chargé d’enquêter et de poursuivre les crimes qui affectent les intérêts financiers de l’UE, tels que la fraude, la corruption et le blanchiment d’argent. Il a le pouvoir de mener ses propres enquêtes et de saisir la justice dans n’importe quel État membre de l’UE.

L’UE s’est efforcée de renforcer ses capacités de renseignement, mais cette entreprise n’est pas exempte d’obstacles. L’un des principaux défis consiste à trouver un équilibre entre la souveraineté nationale et l’impératif d’une coopération et d’un échange d’informations accrus. Pour ce faire, il convient d’examiner attentivement le degré d’autorité et de contrôle auquel chaque État membre est prêt à renoncer afin de renforcer la collaboration en matière de renseignement. En outre, la protection de la confidentialité des données et des libertés civiles suscite des inquiétudes, en particulier si l’on considère les niveaux accrus de contrôle et de surveillance qui peuvent être nécessaires pour des opérations de renseignement efficaces. Ces défis exigent des solutions réfléchies et des approches innovantes pour garantir que la coopération en matière de renseignement dans l’UE soit efficace, efficiente et responsable.

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Dernières considérations

Il est essentiel de reconnaître que la sécurité ne se limite pas au renseignement. Bien qu’il joue un rôle essentiel dans l’identification et l’atténuation des risques, il ne peut pas relever tous les défis qui nous attendent. Il est donc essentiel que les acteurs européens travaillent en interne pour faire face aux menaces extérieures. L’UE prend des mesures pour établir des partenariats avec les États membres, notamment dans les domaines de la défense, de la cybersécurité, de la protection des informations classifiées et de la gestion des crises. Une UE plus forte dans ces domaines peut tirer profit de partenariats solides, notamment avec les États-Unis, le Royaume-Uni et l’OTAN, et y contribuer. Ces partenariats sont principalement axés sur la lutte contre le terrorisme et contre d’autres menaces transnationales, telles que la criminalité organisée, la cybercriminalité et la traite des êtres humains. L’UE a conclu des accords de partage de renseignements avec d’autres pays, dont les États-Unis et le Canada.

L’avenir du renseignement en Europe sera probablement façonné par une série de facteurs, notamment l’évolution des menaces sécuritaires, les progrès technologiques et les changements de la dynamique géopolitique. L’UE a amélioré ses investissements dans les capacités de renseignement afin de pouvoir détecter, prévenir et répondre efficacement à un large éventail de risques. Dans le même temps, il est de plus en plus admis que le renseignement ne suffit pas à lui seul à relever tous les défis à venir et qu’une approche plus globale est nécessaire, y compris une coopération avec des partenaires extérieurs. En fin de compte, le succès du renseignement en Europe dépendra de la capacité des acteurs européens à collaborer efficacement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leurs frontières, et à s’adapter rapidement à l’évolution de la situation. En donnant la priorité à la coopération, en investissant dans les capacités et en adoptant une approche proactive, l’Europe peut se positionner pour affronter l’avenir avec confiance et résilience.

[Cet article est paru dans le numéro 38 du magazine]

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