Plan de relance européenne: Continuité ou renouveau politique?

18 January 2021 /

5 min

L’Union Européenne a récemment adopté un plan de relance visant à rétablir l’économie des pays membres durement touchés par la crise sanitaire. Ce plan de près de 750 milliards d’euros s’inscrit dans la continuité de la politique de croissance verte menée par l’Union qui vise à réduire drastiquement ses émissions carbones d’ici 2050. Cependant une telle politique peut être remise en question, l’Union européenne va-t-elle assez loin dans ses politiques, ou bien devrait-elle en faire davantage afin d’espérer répondre efficacement à l’urgence climatique ? 

L’Europe à l’aube d’un renouveau 

Le 16 septembre dernier, Ursula Von der Leyen prononce son traditionnel discours de l’état de l’Union 2020 devant le parlement européen. Face au contexte instable dû à la crise sanitaire mondiale, la présidente de la Commission se veut rassurante quant à la capacité de l’Union européenne à relever les défis actuels. En effet, elle affirme sa volonté de faire de l’Europe un modèle de transition dans un monde en proie aux catastrophes écologiques et aux crises politiques et sociales. Selon elle, «[les] citoyens veulent sortir de ce monde du coronavirus, sortir de cette fragilité, sortir de l’incertitude. Ils sont prêts à changer et prêts à aller de l’avant. Et, pour l’Europe, le moment est venu d’agir. Pour l’Europe, le moment est venu de montrer la voie à suivre afin de sortir de cette fragilité pour acquérir une vitalité nouvelle ». Derrière ce discours ambitieux, de grands projets sont annoncés par la présidente de la Commission. Deux exemples sont à citer, une taxe carbone à l’importation visant à contrôler les émissions des pays européens et la volonté de mettre en place un modèle d’économie circulaire. 

Le Plan de relance européen : clé du succès du projet de Von Der Leyen? 

La récente situation sanitaire a profondément déstabilisé l’économie européenne. Face à la diminution du PIB dans de nombreux pays membres (-8,4 % au deuxième trimestre 2020 en Allemagne, -15% en Italie, -15,5% en France selon l’Economist Intelligence Unit), la Commission a décidé de proposer le 27 mai dernier un plan de relance de près de 750 milliards. Ce plan de relance, adopté le 21 Juillet par le Conseil, vise à répondre à un double enjeu. D’un côté la Commission souligne la nécessité de faire de ce plan de relance un plan de sauvetage de l’économie européenne. D’un autre, ce plan se veut ambitieux et il apparaît comme un moyen pour Ursula Von Der Leyen de faire basculer l’Europe dans une ère nouvelle. 

Pourtant, avant même son application, les deux objectifs de ce plan de relance peuvent paraître contradictoires. Malgré une volonté de lutter contre le changement climatique, cette lutte doit s’inscrire dans un objectif de maintien de la croissance économique et passe donc par un investissement dans le numérique et les nouvelles technologies. L’objectif étant de « tirer parti des technologies numériques afin d’atteindre les objectifs ambitieux en matière d’environnement ». Une méthode qui peut être questionnée quand le numérique participe lui aussi activement au réchauffement climatique. Si son impact n’est pas direct, il est indirect. Par exemple, la faible durée de vie des appareils et le faible recyclage engendre un déplacement systématique et cyclique (tous les 2-3 ans) qui par leur production génèrent d’importantes émissions de gaz à effets de serre. Il semble que la volonté de demeurer compétitif sur le marché mondial vient supplanter la lutte contre le réchauffement climatique. En effet c’est le cas du déploiement de la 5G en Europe dont le coût environnemental fait encore débat.

Une tension entre compétitivité et protection environnementale 

Le déploiement d’antennes 5G sur le territoire européen semble répondre à la volonté d’accroître sa compétitivité. Pourtant cette véritable course à la 5G est sujette à débat quant à son impact environnemental. Selon certaines enquêtes, menées par France Info, la consommation d’énergie d’une antenne 5G est 3,5 fois supérieure à une antenne 4G. Une capacité de veille demeure mais la 5G est en passe d’être lancée sans qu’aucune étude n’ait réellement pu évaluer son impact environnemental. La compétitivité triomphe ainsi sur l’assurance d’une technologie moins polluante et donc sur la protection de l’environnement. 

Le constat est donc que l’Union Européenne présente une politique environnementale ambitieuse mais qui semble rongée par une tension entre un objectif de compétitivité et un autre de protection de l’environnement. Des auteurs comme Gilbert Rist soulignent les conséquences de cette association paradoxale entre croissance économique et lutte contre le réchauffement climatique. Selon lui, les deux objectifs sont inconciliables et les politiques de développement durable fondées sur la technologie et le numérique comme source de croissance économique, ne sont pas viables. Ainsi, alors qu’il fut annoncé comme novateur, le plan de relance européen s’inscrit dans cette politique paradoxale qui bloque l’avancée de politiques européennes purement environnementales depuis plusieurs années. 

En 2005 déjà l’Union Européenne affirmait sa volonté d’appliquer une politique environnementale novatrice avec la mise en place du marché carbone européen. Ce marché souffrait lui aussi de la tension entre compétitivité et protection environnementale. En effet, pour éviter de freiner la compétitivité des entreprises, un système de quotas échangeables fut mis en place afin de leur permettre de payer pour avoir la possibilité de les dépasser en échange. Donner à ce système la forme de marché vient ainsi limiter l’impact de la protection environnementale. 

L’urgence climatique face à l’incapacité à agir 

Ainsi, s’il est encore trop tôt pour faire le bilan du nouveau plan de relance européen, il demeure controversé avant même sa mise en application. En effet, son caractère novateur présente des limites quand ses objectifs s’inscrivent dans une politique de développement durable déjà appliquée par l’Union Européenne depuis plusieurs années. On peut alors se demander comment ce plan vise à faire de l’Union Européenne un modèle quand il continue de laisser la recherche d’une meilleure compétitivité économique primer sur la protection environnementale. Cette conciliation semble montrer ses limites quand l’urgence environnementale est si proche et que de nombreux rapports et modèles comme World3 présenté en 1973 avec le rapport Meadows prédisent une crise écologique, sociale et économique mondiale sans précédent entre 2010 et 2030.

Cet article est paru dans le numéro 33 du magazine.

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