Parlement saison 2, retour de la plus européenne des séries françaises

13 May 2022 /

7 min

À l’occasion de la sortie de la nouvelle saison, Eyes on Europe rencontre Noé Debré, créateur et scénariste de la série. En 2020, les aventures de Samy, assistant parlementaire d’un député un peu spécial, dans la série franco-belgo-allemande Parlement, ont eu un grand succès. En 2022, les mêmes personnages reviennent pour une saison 2 qui se déroule cette fois-ci exclusivement dans les couloirs du bâtiment Louise Weiss à Strasbourg.

Eyes on Europe (EoE) : Vous avez indiqué dans de précédentes interviews que vous avez grandi à Strasbourg et que la vision du bâtiment du Parlement vous a poussé à vous intéresser au fonctionnement des institutions. Après 2 saisons de Parlement, pensez-vous en connaitre tous ses rouages ?

Noé Debré (ND) : Non, je pense que quand j’en connaitrai tous les rouages, j’arrêterai d’écrire ! Je commence à bien connaitre les processus législatifs, mais de nouvelles choses me surprennent toujours. Je pense que la matière que propose le Parlement est quasiment infinie : la politique change au fur et à mesure que les années passent, les clivages évoluent, tout comme les gens qui l’habitent et les questions qui sont traitées.

EoE : Les stagiaires du Parlement semblent se reconnaitre dans les personnages et particulièrement dans celui de Samy, un jeune homme qui découvre une institution complexe. Comment arrivez-vous à retranscrire cette expérience du quotidien au Parlement ?

ND : C’est lié à ma rencontre avec Maxime Calligaro et Pierre Dorac, mes co-auteurs, qui sont tous les deux des « eurocrates » : Maxime a été assistant parlementaire, il est maintenant conseiller politique ; Pierre est fonctionnaire à la Commission après avoir travaillé au Parlement. Ils possèdent tous deux une connaissance intime des institutions.

J’ai commencé seul la rédaction du scénario en me documentant beaucoup, mais le projet a beaucoup évolué à partir de la rencontre avec mes co-auteurs. En travaillant ensemble, on a pu mettre mes idées initiales à l’épreuve de leur expérience et de leur connaissance des lieux.

EoE : Comment arrivez-vous à trouver l’équilibre entre réalisme et le préjugé pour créer le comique ?

ND : En décidant de faire une série sur le Parlement Européen, on pouvait se demander si elle allait être accessible, et, il faut le dire, intéressante. Comment amener les spectateurs qui n’y connaissent rien et qui n’ont pas particulièrement de curiosité pour l’institution à regarder une série dont le thème principal est la vie d’un assistant parlementaire ? Tout le monde s’en est inquiété, mais pas moi : j’ai toujours cherché à être fidèle au réel, par la documentation, tout en faisant passer la pilule avec des situations de comédie plus ou moins appuyées, avec un rythme de « sitcom » où l’intrigue avance tout le temps.

En regardant la première saison, j’ai trouvé que les scènes qui, sur le papier, me semblaient les plus âpres d’un point de vue politique étaient, en fait, les plus intéressantes. Fort de ça, dans la saison 2, on n’a pas eu peur d’aller encore plus dans la technique, sans crainte de perdre les gens. J’ai moins ressenti la nécessité d’adoucir les situations en rajoutant de la comédie.

A travers le personnage de Michel, on joue beaucoup sur les préjugés que le public a sur le Parlement.  Michel est une caricature, un député perdu, velléitaire et passablement effrayé. Mais ce qu’on voit surtout dans la saison 1 et qui se développe dans la saison 2, c’est l’itinéraire de Samy (le protagoniste) qui pourrait devenir ce député à la dérive mais qui va finalement se passionner pour son job. Par cette dualité-là, on essaye de dépasser le cliché.

EoE : La série est une production franco-belgo-allemande, les dialogues passent d’ailleurs du français à l’anglais et à l’allemand aisément mais pensez-vous que l’humour de cette série soit universel ?

ND : L’universalité, c’est la grande question : est-ce que les blagues et les situations de comédie voyagent ? Je pense que oui. La comédie, contrairement à ce qu’on pense, quand elle est réussie, peut voyager. La série a été vendue aux États-Unis et j’ai été surpris qu’elle intéresse le public américain, ce qui m’a rassuré et flatté. Elle a aussi très bien marché en Espagne.

EoE : À qui diriez-vous que la série s’adresse ?

ND : On espère qu’elle parle au plus de gens possible. Mais c’est une question que je ne me pose pas tellement… Je suis plutôt parti du principe de créer une série que j’avais envie de regarder. Quand on écrit un scénario, c’est la seule façon valable de raisonner, puisque nous ne sommes pas des directeurs marketing. C’est davantage le travail du diffuseur, et même eux ne sont pas complètement capables d’anticiper les goûts du public.

EoE : Quels furent les retours de la part du personnel travaillant au Parlement ou dans les institutions et ceux d’un public peu familiarisé avec la politique européenne ? Avez-vous pris en compte ces avis dans la rédaction du scénario de la deuxième saison ?

ND : Au Parlement, les gens ont un rapport beaucoup plus intime avec la série et, globalement, nous avons reçu un accueil très chaleureux. Nous avons eu des retours en plusieurs temps : pour la saison 1, après les deux premiers épisodes, ils étaient assez inquiets, ils avaient l’impression qu’on tirait vraiment les grosses ficelles habituelles, notamment à travers le personnage du député. Mais après avoir visionné la série dans son intégralité, ils adhéraient beaucoup plus. Nous ne nous sommes pas posé la question d’écrire consciemment en fonction des avis.

Là où j’ai été surpris, c’est à quel point les Allemands sont très bons joueurs avec la série, parce que parfois on n’a pas retenu nos coups. On a quand même des coproducteurs et diffuseurs allemands qui lisent le scénario avant qu’on tourne une scène en particulier. En l’écrivant, on se disait « ça, ils ne le voudront jamais » mais ça les a fait rire.

EoE : Le héros Samy découvre, dans la saison 1, le Parlement et le fonctionnement d’une institution dans laquelle il tente de trouver sa place plus ou moins habilement. Dans la saison 2, il semble prendre confiance en lui et en sa connaissance du milieu. Quels sont donc les défis qui s’annoncent pour lui ?

ND : Le thème de la première saison, c’est un type qui n’y connait rien et veut passer entre les gouttes, mais qui va finir par s’engager et tout donner pour une cause qu’il estimait être anecdotique à la base. La saison 2, c’est ce même type qui est maintenant plutôt aguerri, qui connait les rouages et qui va devoir apprendre à « faire des compromis sans se compromettre ».

Pour nous, c’est vraiment ça le thème de la saison 2 et qui semble être aussi le thème profond de l’institution même du Parlement européen : le compromis. C’est une culture politique étrangère aux Français que Samy découvre.

EoE : Quels sont les challenges d’un tournage dans une institution ? Quelles ont été les différences entre la saison 1 et la saison 2 ?

ND : Nous avons maintenant établi des contacts et une relation de confiance avec le personnel du Parlement. Nous étions aussi plus au clair sur ce dont nous avions besoin. Par exemple de choisir de tourner entièrement à Strasbourg.

La saison 2 a donc été plus facile à filmer : nous avons tourné à Strasbourg pendant l’été et nous avons donc été très libres – à part les travaux que nous avons parfois dû inclure dans des plans.

La saison 1 a été filmée au Comité des Régions, ce qui limitait ce côté monumental de l’institution, qui compte beaucoup pour nous – quand on arrive au Parlement, on est d’abord impressionné par les volumes et ce n’est pas un hasard, ils renvoient à l’ambition du projet européen. Cet aspect se retrouve moins au Comité des Régions et nous avons un peu bricolé en y assemblant des éléments tournés deux semaines à Strasbourg pour essayer de rendre cette émotion. Dans la saison 2, c’était beaucoup plus facile parce que le bâtiment est très beau : où que l’on pose la caméra, il se passe quelque chose d’intéressant visuellement et la série en bénéficie beaucoup.

EoE : Est-ce que la série Parlement vous a donné envie de travailler autour de cette bulle européenne pour d’autres projets ?

ND : Je peux vous dire que la saison 3 est déjà en préparation. Ensuite, bien sûr, on a toujours des éléments qui se superposent et qu’on ne peut pas forcément intégrer à Parlement, car un peu trop éloignés des parlementaires et ça peut être frustrant. Par exemple, tout ce qui concerne le Conseil a un potentiel comique, mais ce n’est pas pour l’instant notre sujet.

EoE : Où et quand peut-on regarder la série ?

ND : Elle est disponible en France depuis le 9 mai, la journée de l’Europe, sur France.TV. Et en Belgique sur BeTV.

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