L’impact du mode de vie européens sur nos quotidiens

30 March 2022 /

5 min

Margaritis Schinas est un des vice-présidents (VP) de la Commission européenne. Le jeudi 24 Février, il est venu sur le campus Solbosch de l’ULB pour donner une conférence sur le rôle de l’UE dans la promotion du mode de vie européen. Mais les citoyens incarnent-ils vraiment ce mode de vie ou s’agit-il surtout d’un récit communicationnel des institutions ? 

Ce sujet a été officiellement abordé par la Commission européenne en 2019. Le discours de la Présidente Von Der Leyen faisait écho à l’allocution du Président français en 2017, qui attribuait deux rôles principaux à l’UE : protéger et offrir des opportunités aux citoyens européens. Lors de sa conférence, le vice-président Schinas est revenu sur ces deux rôles clés et a présenté les différentes politiques publiques de l’UE pour promouvoir le mode de vie européen. 

En quoi consiste le mode de vie européen ? 

Lors de son utilisation officielle en octobre 2019 par la Commission, le terme de mode de vie européen a été associé à une politique migratoire protectionniste par de nombreux groupes parlementaires. Sa formulation a fait l’objet d’une controverse à l’encontre du VP Schinas, lors de son audition au Parlement européen le 3 octobre 2019. Le mode de vie européen a notamment été perçu comme une victoire de l’extrême droite par la députée Sophie in ‘t Veld (Renew). Aujourd’hui, la définition du mode de vie européen reste encore floue, mais le VP Schinas en a tracé les contours lors de son intervention du 24 février 2022. Selon lui, il s’agit d’un ensemble de pratiques et de valeurs, individuellement incarnées par la plupart des Etats à travers le monde, mais représentées en bloc essentiellement par l’UE. 

Pour le VP Schinas, le mode de vie européen se compose des éléments suivants: le système démocratique, la diversité linguistique et culturelle, l’interdiction de la peine capitale, la protection des minorités, le système universel d’éducation, de santé et de soins aux personnes âgées et la protection des droits de l’Homme et de la condition des femmes. 

Le mode de vie européen en pratique : protection et soutien

Après avoir expliqué ce que représente le mode de vie européen, le VP Schinas l’a illustré avec diverses politiques publiques. Ces dernières  permettent à l’Union de promouvoir le mode de vie européen en protégeant les citoyens, aussi bien pour leur santé que leur sécurité, et en les soutenant dans leur vie étudiante et professionnelle. 

Le rôle protecteur de l’Union européenne est d’abord mis en pratique à travers la gestion de la santé publique. Cet enjeu a été crucial lorsque la pandémie de Covid-19 s’est déclarée en mars 2019, face aux réactions d’abord protectionnistes des Etats européens. Selon le VP Schinas, avec la production commune de vaccins et l’adoption du fonds de relance, l’Union a prouvé son utilité aux Européens. L’UE a également une responsabilité de protection concernant les flux migratoires, notamment grâce à l’agence Frontex. Enfin, elle veut garantir la sécurité interne de l’Europe en luttant contre les cyberattaques, le terrorisme et la criminalité organisée au sein du marché unique. 

En parallèle, Bruxelles vise à soutenir les citoyens européens en participant à leur éducation, notamment avec le programme Erasmus. Cette opportunité étant difficilement accessible à tous les étudiants, la Commission réfléchit à étendre le programme aux jeunes à faible revenu. De plus, le rôle de l’UE pour soutenir ses citoyens ne concerne pas seulement leur formation, mais aussi leur emploi. Pour participer à la vie professionnelle des Européens, l’Union européenne commencera à embaucher des ingénieurs en informatique et programmation, ou des spécialistes de la construction verte. En effet, elle a besoin de ces nouvelles compétences professionnelles pour mener à bien sa double transition environnementale et technologique. Ces compétences seront alors plus demandées pour de nombreux projets que celles traditionnelles en droit et sciences politiques. Enfin, Bruxelles veut garantir l’accès à la culture pour les Européens, surtout après le choc économique subi par ce secteur pendant la pandémie. 

Pour chacun de ces domaines, l’Union Européenne doit agir en tenant compte de sa compétence juridique en la matière. Certains domaines ne relevant pas des compétences de l’Union, les décisions sont parfois fortement ralenties. C’est pourquoi les institutions européennes essaient, avec les ressources disponibles, d’étendre le plus possible leur champ d’action. En matière de politique migratoire par exemple, l’UE ne dispose pas de politique migratoire commune entre les Etats. La Commission a donc proposé un nouveau pacte pour mettre en place une procédure d’accueil commune des migrants, permettre une meilleure répartition entre les pays receveurs et approfondir la coopération avec les pays émetteurs ou de transit. 

Les limites du mode de vie européen 

Si le VP Schinas a illustré le mode de vie européen par des exemples concrets de politiques publiques, ce dernier fait aussi partie de la communication des institutions européennes. A cette fin, il peut être utilisé comme un discours de légitimation de l’Union auprès des citoyens. Mais les Européens sont-ils réceptifs à ce discours ? Pour répondre à cette question, le professeur de sciences politiques François Foret a mené une enquête d’opinion en décembre 2020 dans huit pays européens1, financée par le Fonds de la Recherche Scientifique (FNRS). Il en déduit les résultats suivants: “le mode de vie européen reste un sujet relativement insaisissable pour les citoyens.” Selon son étude, les citoyens comprennent le mode de vie européen de la même façon que les institutions européennes, tel que défini par le VP Schinas. Mais le mode de vie européen ne crée pas de “clivages significatifs entre les Européens”. Ce consensus pour définir le mode de vie européen est probablement dû à son manque de sens concret pour la plupart des citoyens. Le professeur Foret en conclut que “le mode de vie européen a peu d’impact sur le public et il est peu probable qu’il modifie de manière significative la légitimation de l’UE”. 

Un impact indéterminé, mais une importance assurée

L’incidence réelle du mode de vie européen reste donc à débattre. Il est probable que de nombreux Européens ne s’interrogent pas sur son existence ou son importance. Toutefois, comme a tenu à le rappeler le VP Schinas, le mode de vie européen n’est pas acquis, particulièrement face aux menaces actuelles du régime autoritaire russe. Par ailleurs, la définition du mode de vie européen est suffisamment floue pour être instrumentalisée par des figures politiques européennes, qui le promeuvent comme un “bloc de pureté” prioritaire face à d’autres modes de vie existants. Selon le VP Schinas au contraire, le mode de vie européen doit servir de miroir pour refléter les différences régionales européennes et ne vise pas à écraser la diversité qui le caractérise.

1 Allemagne, Espagne, France, Hongrie, Italie, Pologne, Roumanie, Royaume-Uni

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