L’Espace Schengen et la crise du covid19 : un coup dur pour les principes européens

11 November 2020 /

7 min

Les pays européens sont en train d’agir contre la propagation du virus, en fermant plusieurs activités récréatives, instituts et institutions, en limitant la mobilité, en déclarant des couvre-feux et en publiant de nouveaux décrets presque quotidiennement. Sommes-nous à la veille d’une nouvelle fermeture des frontières telle que nous l’avons connue lors du premier confinement ? L’Espace Schengen continuera-t-il de permettre une pleine et libre circulation ou y aura-t-il de nouvelles restrictions et interdictions ? A ce sujet les eurodéputés s’interrogent depuis que la crise sanitaire a de nouveau frappé l’Europe, remettant en question pour la deuxième fois cette année, l’occupation des espaces, la liberté des déplacements et les frontières entre les différents pays européens.

 

La création d’une zone libre et ouverte

L’espace Schengen, créé en 1985, s’étend sur une vaste zone du territoire européen (26 pays dont 22 faisant partie de l’Union Européenne) où la libre circulation des citoyens est permise. 

Schengen nous a toujours permis de nous déplacer et voyager d’un pays à l’autre en pleine liberté: chaque année 1,25 milliards de voyageurs en moyenne transitent par cette zone .

Une Europe sans frontières internes, en outre, a apporté et continue d’apporter des avantages remarquables au niveau économique, politique, touristique et social. 

En bref, l’espace Schengen a généré une nouvelle confiance après deux conflits mondiaux et une guerre froide emplie de tension et de méfiance, en garantissant sécurité et apaisement entre pays conformément aux ambitions originelles de l’UE.

Les premières difficultés causées par la crise sanitaire

Avec la crise sanitaire qui a touché un par un les pays de l’Europe avant de devenir une pandémie d’ordre mondiale, la redéfinition de la sécurité aux frontières a été remise au cœur des débats et est devenue l’une des problématiques majeures auxquelles les pays membres de l’UE ont dû se confronter. 

En effet, la libre circulation des citoyens favorise clairement la propagation d’un virus qui circule si rapidement. 

Les présidents et ministres des Etats membres ont, depuis mars, commencé à s’accorder sur une suspension temporaire de la libre circulation dans l’espace Schengen, en fermant les frontières et en limitant largement les déplacements et la mobilité. Les uns après les autres, les pays de l’UE ont été déclarés « zone rouges » et nous, citoyens, avons été les protagonistes d’un confinement durant presque 3 mois à compter de mars 2020.

Commerces, travailleurs et étudiants étrangers désœuvrés pendant la crise

La situation dans laquelle nous nous sommes retrouvés confrontés à cause du coronavirus et aux crises sociales conséquentes, ont fait en sorte que les principes solides sur lesquels la politique et la société européennes se basent ont été contrariés. En effet, la suspension et la modification, bien que temporaire, du fonctionnement de l’espace Schengen, ont créé plusieurs difficultés. 

Entre mars et avril, les commerces sont restés bloqués : des milliers de chauffeurs routiers de camions et de bus sont restés coincés aux frontières intérieures créant des nouveaux risques sanitaires et bloquant les chaînes de distribution. Les routiers ont été fortement exposés au risque d’attraper la maladie et n’ont pas eu la possibilité de manger ou faire leur toilette pendant des jours entiers. 

Entre-temps, les magasins partout en Europe avaient des grandes difficultés à recevoir leurs marchandises. 

Les compagnies aériennes ont fait les frais de l’épidémie de coronavirus, que ce soit en termes du suppressions d’emploi, de réduction de leur fonctionnement, de leur trafic, des changements d’horaires et annulations des vols. 

Les travailleurs « détachés », « saisonniers » ou « transfrontaliers » ont constaté de nombreuses difficultés surtout dans les secteurs de l’agriculture, du bâtiment ou de la restauration, causées par les déplacements complexes entre le domicile et le travail en raison des multiples contrôles en rue, des documents à présenter et de la quarantaine obligatoire. 

Généralement, le tourisme représente 10% du PIB de l’UE et 12% des emplois; dans certains pays comme la Grèce, l’Italie, l’Espagne et la France, ce pourcentage est plus significatif. Avec la crise sanitaire et en bloquant la mobilité intra-européenne, les chiffres ont baissé brutalement, provoquant de lourdes pertes d’emploi et un accroissement du taux de chômage dans le secteur contribuant à la survenue d’une crise économique pire que celle de 2008. 

Enfin, des milliers d’étudiants étrangers venus poursuivre leurs études en Europe ont dû choisir entre le pays de résidence et le pays d’étude : certains se sont aperçus de la gravité de la situation peu avant de la fermeture totale des frontières et ont eu la possibilité de rentrer chez eux, d’autres ont dû attendre l’appui des ambassades et de la mise en place de vols spéciaux pour pouvoir voyager.

Beaucoup d’étudiants ont perdu leur job-étudiant mais ont dû continuer à payer un loyer à leur bailleur, sans aucune aide financière ni protection. 

La prise de position de l’Union Européenne

Certains diplomates européens sont intervenus dans le débat pendant le confinement, constatant la gravité du phénomène. Juan Fernando Lopéz Aguilar, président de LIBE (Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures), a affirmé “qu’il n’y aurait pas d’Union Européenne sans l’espace Schengen” et Tanja Fajon, présidente du Groupe de Travail de LIBE, a déclaré que “La Commission devrait jouer un rôle clé dans le rétablissement de la liberté de circulation, en se concentrant d’abord sur les catégories essentielles, comme les travailleurs transfrontaliers” . Elle poursuit en affirmant que “si on n’arrive pas à restaurer l’intégrité de l’espace Schengen, on mettra en danger le projet européen”. 

C’est à cet égard que depuis avril, l’Union Européenne a prévu des mesures applicables dans tous les pays pour chercher à réduire les effets négatifs de la quasi-fermeture de l’Espace Schengen causée par la première vague épidémiologique et éviter que les citoyens restent coincés dans un pays. 

En effet les restrictions telles que la passation conditionnelle d’un test de dépistage du covid-19 ou la quatorzaine obligatoire ont été supprimées pour les professionnels de la santé, les travailleurs frontaliers exerçant des professions essentielles, le personnel du secteur des transports et les diplomates notamment. 

Grâce aux règlements de l’UE, les voyageurs et les passagers ont eu le droit d’être remboursés ou de recevoir des bons à valoir suite à l’annulation de billets de transport ou de voyages à forfait. 

En vertu de la législation européenne, l’Union Européenne a soutenu l’assistance consulaire et les ambassades des différents pays membres pour rapatrier les citoyens de l’UE et en particulier les étudiants et stagiaires bloqués à l’étranger. 

Avec la deuxième vague de l’épidémie, le débat sur les “frontières” n’aura pas tardé à arriver : on s’interroge sur une fermeture possible des pays et sur la survenue de nouvelles entraves à la mobilité intra-européenne.

Depuis septembre, plusieurs pays ont imposé des nouvelles restrictions, comme le test de dépistage du covid-19 dès l’entrée dans un pays ou la quatorzaine obligatoire.

Récemment, différents gouvernements européens, tels que l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique et l’Allemagne, ont déclaré l’état d’alerte sanitaire et l’imposition de couvre-feux nocturnes. 

Certaines régions italiennes, telles que la Lombardie, le Piémont, la Val d’Aoste et la Calabre, ont été classées à « haut risque » : un nouveau confinement vient d’être imposé, cependant plus léger que celui de la première vague. D’autres régions ont rendu obligatoire la présentation d’une attestation dérogatoire pour les citoyens qui nécessitent de se déplacer. 

Les citoyens français qui séjournent plus de 48h en Belgique sont obligés de se soumettre à un test PCR et de compléter le formulaire de localisation des passagers, qui doit être remis aux autorités dans les deux jours suivant leur arrivée sur le territoire. Une quarantaine de 7 jours est en revanche imposée aux voyageurs provenant des « zones rouges ».

Les Pays-Bas refusent d’accepter voyageurs ou passagers en transit et qui présenteraient des symptômes mentionnés dans le formulaire de déclaration de santé. 

Enfin, le Royaume-Uni, même s’il est en train de sortir de l’Union Européenne suite au Brexit, compte encore milliers de citoyens européens qui, à ce moment-là, se retrouvent à nouveau confinés. 

Les pays procèdent exactement de la même manière que pendant la première vague.

Il y a donc lieu de se demander si les mesures adoptées par l’Union Européenne seront assez fortes pour tenir le coup de la deuxième vague ou si il sera question d’élaborer de nouvelles règles pour continuer à permettre une mobilité qui n’impacte pas aussi gravement les citoyens européens et les activités économiques, politiques et sociales.

Les leçons d’hier serviront-elles demain ? Est-ce que l’Espace Schengen réussira à faire face à cette deuxième vague dangereuse ? 

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