La stratégie « Global Gateway » et l’Afrique : Renaissance des liens UE-Afrique ?

25 April 2024 /

4 min

L'Europe a besoin de la collaboration de l'Afrique pour relever des défis plus complexes tels que la migration, le changement climatique et la sécurité.

La perception publique de l’Afrique en Europe semble être encore celle d’un continent instable et profondément dépendant de l’aide financière de l’Union Européenne.

Il est grand temps que la vieille Europe se réveille. Parce que l’Afrique semble s’emparer du pouvoir mondial. Tandis que la population en Europe devient de plus en plus vieille, le continent africain  est un phare de la jeunesse. Avec comme âge moyen en 2024 18 ans et la perspective d’avoir 1 personne sur 4 quatre de la population mondiale (hors continent africain) viendra de l’Afrique en 2050. De plus, le continent africain à une des économies à la croissance la plus rapide du monde. 

Les dirigeants mondiaux ont reconnu le poids politique et économique croissant du continent africain en affiliant l’Union africaine (UA), le « pendant » africain de l’Union Européenne (UE) représentant 55 États africains, au Groupe des 20 plus grandes économies (G20) en décembre 2020.

Dans cette optique, la Chine et la Russie, en particulier, s’efforcent depuis des années, de différentes manières, de faire en sorte que les pays africains se détournent du monde occidental. Alors que la Chine tente de conserver son influence en enfermant les pays africains dans une dépendance à l’égard de la Chine en matière d’investissements économiques dans le cadre de son initiative « Belt and Road Initiative », la Russie tente également d’approcher les pays africains. Les soldats soutenus par le gouvernement russe sont partout en Afrique et soutiennent militairement les dictatures et les coups d’État des régimes africains anti-occidentaux. Et, comme l’a démontré la neutralité des pays africains face à l’invasion russe en Ukraine, elle y parvient.

L’Europe a besoin de la collaboration de l’Afrique pour relever des défis plus complexes tels que la migration, le changement climatique et la sécurité. Elle ne peut donc pas se permettre de la sous-estimer ou de s’en éloigner. 

C’est pourquoi la Commission européenne a annoncé en 2021 sa nouvelle initiative appelée « Global Gateway ». Un programme d’investissement global de 300 milliards d’euros réservé aux investissements publics et privés pour des projets entre 2021 et 2027. Les investissements se concentreront sur le renforcement de la lutte contre le changement climatique, la transformation numérique, le système de santé, l’éducation et la création d’emplois  dans les pays en développement du monde entier. La priorité des investissements se situe clairement sur le continent africain, la moitié du fonds, soit 150 milliards d’euros, étant allouée au financement de projets dans les pays africains dans le cadre du « EU-Africa Investment Package ».

« Global Gateway », un tournant décisif dans la politique UE-Afrique ?

En 2023, soit deux ans plus tard, les résultats de Global Gateway sont mitigés. Seulement 66 milliards d’euros sur les 300 milliards prévus ont été utilisés jusqu’à présent. Les détracteurs estiment que l’initiative dans son ensemble, ainsi que son budget, ont été initialement jugés  insuffisants pour rivaliser avec l’initiative « Belt and Road Initiative » chinoise. De plus, ils critiquent les obstacles bureaucratiques, sa gouvernance obscure et sa forte dépendance vis-à-vis du secteur privé.

Une chose est claire : l’UE doit redoubler d’efforts pour faire de « Global Gateway » un succès. Le début d’une intensification des efforts a été marqué par un nouvel accord de partenariat économique entre l’UE et le Kenya signé fin 2023, le premier signé depuis 2016. 

Il en va de même pour le nouvel accord-cadre de partenariat financier conclu entre la Commission et le groupe de la Banque africaine de développement au début de 2024. Ce dernier visant à stimuler les investissements dans les projets d’infrastructure en Afrique. De plus, le premier « Global Gateway Forum » à Bruxelles en Octobre 2023 a réuni 16 chefs d’État et de grands partenaires a également été un succès sur la scène diplomatique. 

Après un démarrage lent, « Global Gateway » finit enfin par se déployer. Et cela arrive à point nommé. Alors que la Chine réduit ses investissements financiers dans le cadre de l’initiative « Belt and Road » depuis quelques années, la demande d’investissements en infrastructures dans les pays en développement, mais aussi en particulier en Afrique, ne cesse d’augmenter. Une occasion pour l’UE d’intervenir et de combler le fossé. Et une opportunité pour les pays africains de réduire leur dépendance vis-à-vis d’une Chine imprévisible et en quête de puissance. 

En conclusion, « Global Gateway » a le potentiel de marquer une nouvelle étape dans le partenariat entre l’UE et le continent africain. Elle peut contribuer à libérer les pays africains de l’emprise économique invisible de régimes autocratiques tels que la Chine, saisir l’énorme potentiel économique de l’Afrique, façonner les nouvelles réalités géopolitiques et promouvoir les valeurs démocratiques et durables. Mais il faut redoubler d’efforts.

Ce projet reste un projet générationnel. Et il est encore trop tôt pour parler de succès ou d’échec.

Felix Fend est étudiant en master à l’Institut d’études européennes et Communication Manager d’Eyes on Europe.

(Edité par Léa Thyssens)

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