LA CALRE : ALLIEE MECONNUE DES ASSEMBLEES REGIONALES EUROPEENNES

09 November 2023 /

7 min

La CALRE permet une coopération entre ses membres et représente le rôle important des régions européennes dans le système démocratique européen

« Approfondir les principes démocratiques et participatifs dans le cadre de l’Union européenne, défendre les valeurs et principes de la démocratie régionale et renforcer les liens entre les assemblées législatives régionales », voici comment les membres de la Conférence des Assemblées régionales européennes (CALRE) définissent leurs missions depuis 1997.

Cette association permet une coopération entre ses membres et représente le rôle important des régions européennes dans le système démocratique européen. Ce réseau transeuropéen permet ainsi à ces régions d’affirmer leur insertion dans l’architecture européenne, et de faire entendre leurs revendications. 

La CALRE sous le microscope 

La CALRE incarne le point de rencontre entre les différents parlements régionaux de l’Union européenne qui, pour rappel, possèdent un pouvoir législatif. La quête d’un engagement accru de ces régions repose d’ailleurs précisément sur ce pouvoir législatif. Ainsi, la CARLE regroupe 72 régions réparties dans sept pays. Existe également dans la CALRE, un comité permanent qui réunit sept membres (sept présidents soit un par pays). Ce comité se réunit quelques fois par an pour se positionner sur différents points comme par exemple, proposer la création de nouveaux groupes de travail, commenter des questions relevant de l’intérêt de la CALRE, etc.

Le travail de la CALRE est effectué par le biais de dix groupes de travail chacun composé par les députés des parlements membres. Ces différents groupes de travail permettent aux régions de partager leurs expériences et d’acquérir de l’expertise, leur permettant ensuite d’accroître leur crédibilité aux yeux des institutions. Chacun de ces groupes dispose d’une thématique spécifique, telles que celles de la subsidiarité, de la diversité linguistique et culturelle, etc. Il existe également d’autres groupes avec des thématiques plus précises, telles que « la formation à la légalité et à la culture anti-mafia », « autonomisation des femmes et lutte contre les violences basées sur le genre ». 

Ces groupes de travail sont chargés de mener des débats autour de certains axes spécifiques, débats qui constituent les piliers des contributions de la CALRE, et donc les piliers des résolutions qu’elle adoptera. A titre d’illustration des initiatives récentes de la CALRE, on peut en citer trois : l’Europe sociale, l’Europe des transitions écologiques et numériques, et l’Europe des libertés. Les activités de la CALRE mettent donc en lumière les défis actuels ou futurs de l’Union européenne. 

Les destinataires des déclarations de la CALRE sont donc la Commission, le Parlement européen, et avant tout le Comité des Régions. Le comité est un organe consultatif officiellement reconnu par les institutions européennes, et dont l’objectif est de permettre aux autorités locales et régionales de donner leur opinion sur les nouvelles lois susceptibles d’avoir des effets sur les régions et villes. Ce dernier constitue une des autres plateformes représentatives des régions, qui leur permet de défendre leurs intérêts et préoccupations.

Les parlements nationaux sont, pour le reste, considérés comme les partenaires des institutions européennes et des régions sur les questions de subsidiarité. Principe selon lequel les politiques doivent être élaborées au niveau le plus proche des citoyens, sauf si la situation nécessite une élaboration au niveau supérieur, pour définir des objectifs communs.

Par ailleurs, le Traité de Lisbonne a notamment prévu, à l’article 6 TUE, que lorsque c’est nécessaire, les parlements nationaux consultent leurs assemblées législatives régionales  sur les questions de subsidiarité et de proportionnalité. Cependant, ces consultations n’étant pas obligatoires, il est donc important pour toutes ces régions européennes d’entretenir des liens solides avec leurs parlements nationaux. Afin que ceux-ci les consultent le plus possible et assurent la transmission de leurs avis aux différents institutions citées précédemment.

Que revendique la CALRE, et par quels mécanismes d’action ?

La CALRE ne se caractérise pas par des ambitions “exceptionnelles”. Elle cherche globalement à renforcer l’implantation des régions dans les mécanismes – principalement dans les procédures législatives – de l’Union Européenne. Pour ce faire, elle utilise le plaidoyer et le lobbying, des approches qui sont couramment associées au travail des organisations non gouvernementales. De plus, elle demande depuis plusieurs années une amélioration des systèmes de consultation des autorités régionales lorsqu’une proposition de texte de la Commission est au stade préparatoire.  Autrement dit, la CALRE réclame en grande partie une consultation obligatoire des assemblées régionales, relativement aux principes de proportionnalité et de subsidiarité.

La Conférence peut également organiser des assemblées plénières. Lors de ces dernières, les présidents de tous les parlements régionaux membres se réunissent pour transmettre sous forme de résolutions les messages qu’elle estime importants et qui se concentrent sur différents enjeux européens. Au moyen de ces résolutions, la CALRE entend revenir sur les actions des institutions européennes, qui ont été discutées au sein des différents groupes de travail. Ces résolutions ne sont pas sans importance, car elles sont ensuite transmises aux institutions européennes. 

Enfin, la coopération entre les assemblées régionales de la CALRE passe également par l’échange de bonnes pratiques, d’expériences et d’information entre les assemblées. Cet échange permet notamment aux régions de s’entraider en temps de crise. 

Les régions : partenaires essentielles de la proximité citoyenne envers l’UE 

Le continent européen est caractérisé par une hétérogénéité, non seulement entre les États membres, mais également entre les régions de chaque État membre. Chaque région dispose de ses propres réalités sociales, territoriales, environnementales et économiques. Cette hétérogénéité se traduit par des enjeux propres à chacune de ces régions.

Ces dernières jouent un rôle fondamental dans la conception des politiques de l’UE. Ce sont elles qui matérialisent le principe de subsidiarité et de la gouvernance à multiniveaux – système dans lequel tous les niveaux de gouvernements collaborent dans l’élaboration des politiques publiques. Les régions ont des intérêts à défendre. Il est donc important pour elles d’influencer le programme de travail de la Commission européenne. D’ailleurs, le projet « Contribution aux débats politiques dans les parlements régionaux » organisé par la CALRE en coopération avec le Comité des Régions a comme objectif de permettre aux parlements régionaux d’apporter leur contribution dans la préparation du programme de travail annuel de la Commission, et ce principalement dans la phase pré-législative.

La participation des assemblées régionales dans les travaux de l’UE est essentielle pour renforcer la démocratie de l’Union. Les régions possédant un pouvoir législatif appliquent et transposent une quantité importante de législation de l’UE et ce, sans l’intervention des parlements nationaux. La coopération régionale permet donc aux régions membres de défendre leurs intérêts et de les faire entendre. 

Les régions à pouvoirs législatifs concrétisent par ailleurs les valeurs de diversité, de bonne gouvernance et de proximité démocratique avec les citoyens. Conférer un rôle aux régions et reconnaître qu’elles ont des droits et des responsabilités est susceptible de renforcer l’engagement et l’intérêt des citoyens envers le projet européen. De fait, les politiques européennes sont moins centralisées, et assurent l’intervention de tous les détenteurs d’intérêts.

L’engagement des régions dans les procédures législatives permet également d’améliorer le système de gouvernance multiniveaux. Une gouvernance européenne multiniveaux efficace n’est pas anodine ; elle permet de prendre en considération les besoins de chaque collectivité, et de renforcer les effets des législations européennes sur le terrain. Une telle gouvernance permet surtout de réduire la distance souvent ressentie entre l’UE et la population en encourageant l’engagement citoyen.

Différentes zones géographiques nécessitent donc différentes politiques pour subvenir à leurs besoins particuliers. Chaque politique européenne affecte chaque territoire de diverses manières, et est donc susceptible de porter préjudice à certains territoires, et moins à d’autres. Ne pas prendre en considération les conséquences des législations européennes sur les différents territoires de l’Union pourrait être néfaste et créer un mécontentement chez le citoyen, aggravant sa perception de l’UE, et créant un sentiment de déconnection. 

Alors … solution irréprochable au déficit démocratique ?

Ainsi, représenter les États membres ne suffit pas, il est important de donner une voix aux régions, qui se caractérisent par leurs spécificités culturelles, géographiques et historiques, et qui ont des intérêts propres à défendre. Les plateformes comme la CALRE considèrent que la participation active des régions dans les processus décisionnels de l’UE est également nécessaire pour réduire la distance entre les institutions et les citoyens. 

Les régions détentrices de pouvoirs législatifs ont la capacité, voire la responsabilité, de connecter leurs populations aux infrastructures européennes et de renforcer les structures qui mettent en œuvre cette gouvernance multiniveau. Une minorité inquiétante des citoyens (11%) considèrent que leur voix peut influencer les décisions prises au niveau européen. Cet écart ne peut pas être ignoré, car il affecte la légitimité démocratique de l’UE. 

En tenant compte des réalités du terrain, la CALRE tend à rendre les politiques européennes plus compréhensibles et accessibles aux citoyens. D’ailleurs, un citoyen plus engagé est plus susceptible de participer activement à la vie politique européenne. 

Il faut toutefois noter le défi de la CALRE : non seulement, elle ne représente pas toutes les régions d’Europe, et en outre, la CALRE peut potentiellement être perçue par le citoyen comme une énième institution , qui s’ajoute aux institutions européennes, et sur lesquelles ils n’ont pas de mainmise. Le citoyen se sent certes proche de sa région, prise individuellement, mais se sent-il proche d’un réseau qui rassemble une multitude de régions du continent, et qui agit au niveau européen ?

Ludivina Ordonez est étudiante à l’Institut d’Etudes Européennes.

(Edité par Léa Thyssens)

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