Crise énergétique:  un frein ou un moteur pour atteindre la neutralité carbone européenne ?

13 February 2023 /

4 min

L’Union Européenne (UE) essaie depuis plusieurs années de se positionner comme un leader de la transition écologique et les 27 veulent parvenir en 2050 à la neutralité carbone. Mais c’était sans compter sur la crise énergétique. Cette crise est due à la fois au conflit qui oppose l’Ukraine et la Russie et à l’inflation des prix de nombreuses ressources, juste après la reprise économique post COVID-19. Cette crise a de nombreuses conséquences sur la transition énergétique européenne  vers la neutralité carbone. 

Quel est l’impact de cette crise sur la gestion des énergies thermiques par les pays européens? En effet, un des principaux objectifs européens est la décarbonation du chauffage. Ainsi le chauffage des bâtiments représente plus de 14 % des émissions de l’UE, selon Eurostat. L’on assiste pour le moment à deux phénomènes, en ce qui concerne la gestion de cette ressource. D’un côté nous avons des décisions de replis vers les énergies fossiles, de l’autre de nouveaux projets de développement et de perfectionnement des techniques de production des énergies renouvelables.

Quel est l’objectif visé par les Etats européens ?

Charbon : les Etats membres freinés pour la neutralité carbone 

Tout d’abord, le conflit entre l’Ukraine et la Russie a fortement diminué l’approvisionnement en gaz des pays européens. Cette perturbation est une des causes principales de l’augmentation des coups de chauffage dans ces pays. Donc pour éviter la pénurie, les membres de l’UE ont fait de la sécurité de l’approvisionnement leur principale priorité, parfois aux dépens de l’environnement et de l’économie.

Ainsi, certains États ont décidé de réemployer le charbon comme combustible, malgré son coût environnemental. L’Allemagne, l’Autriche, la Grèce, la Hongrie, l’Italie et les Pays-Bas ont décidé de prolonger la durée d’utilisation des centrales à charbon et de remettre en service celles qui avaient été mises à l’arrêt. Par conséquent, la consommation de charbon des Etats membres a augmenté de 10% durant les 6 premiers mois de 2022.

Une des répercussions de ce phénomène est l’arrêt des plans de transition des systèmes de chauffage urbain en Europe de l’Est. Ces derniers devaient passer d’une alimentation au charbon à une alimentation au gaz.

Crise et recours aux énergies vertes, espoir pour la neutralité carbone ?

Jusqu’à présent, il semble que les Etats membres  régressent dans leur transition vers des énergies renouvelables. Mais d’un autre point de vue cette crise pourrait être l’occasion d’accélérer la transition énergétique. En effet, l’UE est toujours tenue par son objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Pour atteindre cet objectif, les pays membres cherchent à augmenter le déploiement de l’énergie verte, au niveau local. Ils allouent de plus en plus de fonds destinés à des projets pour la production d’énergie renouvelable. Par exemple, la Commission européenne a mis en place un nouveau plan, appelé REPower EU, qui mobilisera jusqu’à 300 milliards d’euros pour arriver à une indépendance complète par rapport aux énergies fossiles russes, d’ici la fin de la décennie.

Mais qu’est-ce qui motive les Etats à investir autant  dans les plans de production d’énergies renouvelables?

L’un des arguments mis en avant est l’augmentation du prix des combustibles fossiles qui rend les énergies vertes plus abordables. Il est donc plus économique d’investir dans ce type d’énergie. Ainsi pour la transition énergétique de l’UE, il est aujourd’hui plus intéressant de passer l’étape intermédiaire, qui consiste à transformer ces centrales à charbon en centrales au gaz, et de les remplacer tout de suite par des infrastructures de production d’énergies renouvelables.

Revenons au chauffage urbain.

Grâce à une nouvelle étude demandée par la Commission européenne, plusieurs moyens ont été identifiés pour que ces systèmes deviennent neutres en carbone. « Certaines des centrales de cogénération du chauffage urbain étaient surdimensionnées — elles ont été construites pour fournir plus de chaleur que ce qui est généralement nécessaire. Donc la réduction de la taille est une bonne chose » déclarait Tomáš Smejkal, de l’unité de stratégie énergétique du ministère tchèque de l’Industrie dans le magazine Euroactiv.

Ainsi, la taille des unités a été réduite et de plus petites structures seront mises en service. Cela permettra de réaliser des économies d’énergie et financières, puisque le système de base produisait trop. De plus, ces unités sont plus faciles à combiner avec des énergies renouvelables, comme des pompes à chaleur ou de la géothermie.

Par conséquent, la crise énergétique a permis de repenser les systèmes de chauffage urbain en Tchéquie. De ce fait, cette transformation ne se limitera donc pas à un simple passage du charbon au gaz, comme initialement prévu, mais aboutira à la création de nouvelles unités plus économes et facilement combinables avec des énergies renouvelables.

Face à la crise :  une politique de deux poids deux mesures

La crise de l’énergie en Europe a généré des réactions opposées. D’un côté, nous avons des décisions de retour vers des sources d’énergies plus polluantes comme le charbon. Ces décisions ont été prises par certains Etats membres et pour une durée indéterminée. Il est toutefois à noter que ces pays ont bien indiqué que ces mesures sont uniquement temporaires.

D’un autre côté, nous avons ces mêmes Etats qui au travers des institutions européennes semblent chercher à développer davantage la production d’énergie renouvelable au niveau local, avec l’aide de fonds européens. Ces projets de développement semblent avoir des visées à plus long terme et ont pour objectif de maintenir l’UE dans une dynamique de leadership dans la recherche pour le développement durable.

C’est donc une politique de deux poids deux mesures qui est appliquée ici et seul l’avenir nous dira si elle est soutenable dans le temps.

Cet article est paru dans le numéro 37 du magazine

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