Comment la Commission Juncker a-t-elle géré la question de l’asile et de la migration ?

18 November 2019 /

8 min

Commission Juncker asile et migration

Cet article est une contribution de notre partenaire EU-Logos Athena.
 

Le défi migratoire est un sujet inévitable à traiter pour l’Union européenne (UE). Cette dernière n’en est pas à ses débuts en matière de gestion des migrations et des frontières. Ces vingt dernières années, l’UE a élaboré des normes communes sur l’asile et l’immigration qui sont conformes au droit international. Dans les dernières années, la Commission Juncker a proposé un agenda spécifique en matière de migration. En mai 2015, elle a mis l’accent sur les efforts des États membres pour faire face aux importants défis à relever.

Concernant le travail de la Commission européenne en 2015, les dirigeants européens se sont accordés sur le fait qu’il était essentiel de parvenir à un accord sur la réforme du régime d’asile européen commun pour la fin du mois de juin 2018. La Commission Juncker a abouti à des progrès considérables sur tous les éléments de la réforme du droit d’asile. Dans cet article, nous allons analyser les mesures qui ont été prises par la Commission Juncker pour gérer la crise migratoire dans l’UE. Puis nous allons nous focaliser sur l’échec de cette réforme du droit d’asile auquel Jean-Claude Juncker et sa Commission ont été confrontés. Selon Juncker la crise migratoire est un défi qui a troublé un peu l’ordre de l’UE, mais il estime qu’il existe une marge de manœuvre pour trouver une solution convenable.

 

1. Les mesures prises par la Commission Juncker pour gérer la crise migratoire.

1.1 Protéger les frontières de l’UE

La Commission européenne a voulu gérer le phénomène de la crise migratoire. Elle avait pour but de parvenir à une véritable gestion intégrée des frontières extérieures, notamment sur le déploiement du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes. Les solutions les plus importantes qui ont été prises par la Commission Juncker pour faire face à la crise migratoire sont :

– L’instauration d’un système de vérifications automatiques sur toutes les personnes traversant les frontières.

– Le renouvellement des anciens systèmes d’informations, afin qu’ils soient plus perfectionnés et interopérables pour l’échange d’informations en temps réel entre les États membres.

Selon la note de Juin 2018 de la Commission européenne (en vue du Conseil européen) :

– Près de 1 300 garde-frontières de l’UE devaient aider les États membres à réaliser des patrouilles aux frontières extérieures, par exemple en Grèce, en Italie, en Bulgarie et en Espagne.

– Une réserve supplémentaire constituée de 1 500 garde-frontières était prête à réagir immédiatement et à intervenir d’une manière efficace lorsqu’un État membre demande un soutien.

Selon la Commission européenne, sa contribution à la solution de la crise migratoire a porté ses fruits. On peut également trouver l’illustration suivante :

 

1.2 Freiner l’immigration irrégulière

Une autre mesure prise par la Commission Juncker est celle de diminuer l’immigration illégale. L’immigration incontrôlée et informelle est l’un des soucis le plus coûteux pour l’UE et ses Etats membres. En 2018, les arrivées massives des immigrants ont diminué. La Commission et les autres institutions de l’UE ont mis en application quelques mesures  pour gérer la crise et maintenir l’ordre, comme :

– L’accord entre l’UE et la Turquie qui a affecté le passage des migrants dans la partie orientale de la Méditerranée : Les arrivées ont diminué de 97 % par rapport à 2015.

– La Route de la Méditerranée centrale : De nombreux travaux de la Commission avec l’Italie, la Libye, le Niger et d’autres pays d’Afrique subsaharienne ont eu un impact sur les  arrivées irrégulières, qui ont diminué de 77 % en 2018 par rapport à 2017.

– La Route de la Méditerranée Occidentale : Les débarquements dans cette catégorie sont en hausse et des mesures sont prises pour réguler la situation.

 

1.3 Sauvetage et Protection des vies en mer

Les opérations menées par l’UE et la Commission Juncker sont le sauvetage et la protection des vies des migrants qui passent la frontière par la mer. Lorsque la tragédie a ébranlé la Méditerranée, l’Union a réagi d’une manière efficace en lançant de nouvelles opérations et en triplant le nombre de bateaux en mer. Pour les années 2015, 2016 et 2017, les opérations menées par l’UE ont permis :

– Le sauvetage de 634 751 personnes

– L’arrestation de 148 clandestins et trafiquants d’êtres humains lors de l’opération Sophia

– La neutralisation de 550 bateaux

L’image ci-dessous est illustrative des moyens utilisés par opérations:

 

1.4 Promouvoir la solidarité au sein de l’UE

Afin de mieux répondre au défi de la crise des réfugiés de 2015, l’UE a incorporé des moyens financiers et opérationnels sans précédent pour  aider les États membres confrontés à une forte pression migratoire.

Les institutions européennes ont exploité une partie du budget de l’UE pour mobiliser des fonds supplémentaires, ce qui a permis de :

– Doubler les financements destinés aux organismes décentralisés avec une augmentation de 86 %.

– Garantir une hausse de 50 % aux financements attribués à l’aide et aux urgences.

Pour faire face à la situation, des points d’enregistrement (ou hotspots) ont été mis en place pour garantir que tous les immigrants qui arrivaient pouvaient être enregistrés et soumis au relevé de leurs empreintes digitales.

D’un autre côté, le mécanisme de protection civile de l’UE a permis d’expédier des couvertures, des matelas, des lits, des tentes, des équipements, des abris et des fournitures médicales, vers les pays les plus touchés. Afin d’aider les réfugiés là où ils se trouvaient et de réduire les incitations à la migration irrégulière, la Commission Juncker a assuré des financements innovants, tels que des fonds conventionnels (dits « fiduciaires ») pour mobiliser des aides au-delà des limites du budget.

Les programmes de réinstallation ont permis de diminuer la pression qui s’exerce sur les États membres de l’UE. Ils ont aussi offert une voie sûre et légale à ceux qui avaient besoin d’une protection internationale. À partir de 2015, les deux programmes européens de réinstallation ont donné accès pour plus de 32 000 personnes vulnérables, au statut de réfugié au sein de l’UE. Il faut souligner qu’avec le nouveau programme de réinstallation énoncé par le président Juncker en septembre 2017, les États membres en théorie devaient s’engager, mais, dans la pratique, ils ne l’ont pas fait. Ce programme, qui gère 50 000 places, a permis à 4 252 personnes d’être déjà réinstallées.

Nous présentons ci-dessous un tableau des investissements de l’UE sur l’immigration :

 

2. L’échec de Commission Juncker pour reformer l’asile

Les ministres de l’Intérieur de l’UE ont échoué à conclure une modification de la politique migratoire. Le dossier migratoire a occupé une place centrale dans les élections européennes. Après la proposition d’un paquet législatif visant à réformer le système d’asile européen, cinq des sept législations ont été adoptées. Malheureusement, ce sont les États membres eux-mêmes qui bloquent depuis plus d’un an l’harmonisation des procédures d’asile, et la question des quotas de  réfugiés. C’est une partie du groupe de Visegrad qui s’oppose aux propositions de la Commission. Le 6 mars 2019, la Commission a fait le compte rendu de sa politique migratoire depuis 2014. Le commissaire grec Dimitris Avramopoulos a tenté de profiter de la situation et de faire bonne figure. Selon sa déclaration dans les médias, la crise migratoire de l’Europe est terminée. Il a également dénoncé la désinformation, les mensonges et les fausses informations sur la crise migratoire.

Malgré tout, Dimitris Avramopoulos a souligné que l’Espagne était sous une vraie pression migratoire. Selon lui, l’UE doit continuer d’aider l’Espagne car elle a encore besoin d’un soutien de l’UE. Le commissaire grec a insisté sur le fait que « la migration continuera d’être un sujet important » dans l’avenir. Selon une étude, environ 40 % des citoyens européens considèrent l’immigration comme l’un des deux problèmes les plus importants auxquels l’UE est confrontée.

Dans ce cadre-là, l’Allemagne avait espéré compter sur l’instauration d’un accord parmi les Etats membres pour trouver une politique migratoire commune avant les élections européennes de fin mai.  « Nous sommes en faveur d’un paquet commun sur l’asile, mais il semble que cette législation ne puisse plus être adoptée par cette législature », a confessé le ministre allemand de l’Intérieur Horst Seehofer. Selon lui, les États membres de l’UE devraient s’accorder le plus vite possible sur la création d’une agence européenne d’asile, sur des règles pour l’enregistrement de données telles que les empreintes digitales, etc. Pour ce ministre, il était très important que les Etats membres se mettent d’accord sur la question de la réinstallation des migrants qui proviennent de pays tiers.

Quelques États membres et le Parlement européen se sont opposés à cette suggestion de Horst. Ce sont les pays comme l’Italie, l’Autriche, Malte, ainsi que les quatre pays du groupe de Visegrad, avec la Hongrie et la Pologne en tête, qui n’apprécient pas d’être obligés d’accepter des migrants. Le paquet législatif proposé par la Commission Juncker vise à apaiser l’Italie et la Grèce et à remodeler les responsabilités en matière d’immigration.

Après plusieurs discussions pour la première fois depuis des années, la question des migrations n’a pas été mise dans l’agenda officiel du prochain sommet de l’UE. Bref, la Commission Juncker a échoué à mettre à l’ordre du jour la question migratoire.

Conclusion : Vers une nouvelle politique migratoire selon Juncker

Les événements tragiques survenus en Méditerranée nous ont montré que l’UE a besoin de mieux gérer la crise migratoire, dans tous ses aspects. Il s’agit avant tout d’une entraide humanitaire. Comme Juncker l’avait déclaré dans la presse : « Je suis convaincu qu’en collaborant étroitement dans un esprit de solidarité, nous pourrons faire en sorte que des situations telles que celle que connaît Lampedusa ne se reproduisent plus. Nos valeurs communes nous intiment le devoir de protéger les personnes dans le besoin dans le cadre d’une politique commune forte en matière d’asile ».

La Commission Juncker vise notamment la possibilité d’utiliser le Bureau européen d’appui en matière d’asile, pour aider les autorités des pays tiers et des États membres à gérer l’afflux de réfugiés et les demandes d’asile dans les situations d’urgence. Juncker était toujours prêt pour faire des progrès et il souhaitait promouvoir une nouvelle politique européenne en matière de migration légale. Cette politique pourrait aider la famille européenne à remédier aux échecs et relever ainsi les défis démographiques qui se posent à l’Union.

Dans un premier temps, selon Juncker, l’UE et ses organes doivent prendre des mesures plus drastiques sur le phénomène de l’immigration clandestine. Cela vise notamment à avoir une meilleure coopération avec les pays tiers, particulièrement dans le cas des réadmissions. Pour conclure il faut admettre que l’UE a besoin de frontières sécurisées. Dans le but de diminuer l’immigration illégale, la Commission Juncker a proposé de renforcer les capacités opérationnelles de Frontex. Comme Juncker l’a déclaré : « Nous avons également besoin d’appliquer et de faire respecter rigoureusement nos nouvelles règles européennes communes pour sanctionner les trafiquants d’êtres humains. Ces criminels qui exploitent la douleur et les besoins des personnes en détresse ou souffrant de persécutions ont besoin de savoir que l’Europe est sur ses gardes et les traduira en justice par tous les moyens possibles ».

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