Arrêt de mort des voitures à combustion fossile dans l’UE

26 January 2022 /

6 min

Le 14 juillet 2021, la Commission européenne a annoncé sa volonté de bannir la vente de voitures à combustion d’ici 2035. Cette décision, en préparation depuis plusieurs mois, trouve son origine dans les mesures « Fit for 55 » du Pacte vert européen.

Un focus sur les véhicules électriques

Aujourd’hui, les voitures produites dans l’Union européenne sont autorisées à émettre 95 grammes de carbone par km/h. Les mesures « Fit for 55 » stipulent que toute nouvelle voiture produite après 2030 devra émettre au maximum 45% du taux de Co² actuel  (jusque-là l’objectif était de 62,5%). L’objectif est que d’ici 2035, les voitures vendues n’émettent plus de Co². Le texte ne bannit pas en soit la vente des voitures à combustion fossile, il stipule seulement que d’ici 2035, toute voiture neuve vendue dans l’Union européenne ne devra plus émettre de Co². Dans les faits, avec les technologies actuelles, seules les voitures électriques sont à même de ne plus émettre de Co². Cela signifie qu’à partir de 2035, la vente de véhicules neufs non électriques sera de fait interdite dans l’UE.

L’innovation dans les véhicules à carburant alternatif peut théoriquement permettre à des voitures à moteur à combustion d’être complètement alimentées par des carburants renouvelables. Cependant, à l’heure actuelle, seuls les véhicules électriques permettent d’atteindre une émission de carbone de zéro gramme.

Dans le contexte du Pacte vert européen, la sortie des mesures « Fit for 55 » était pressentie depuis plusieurs mois. A l’origine, l’objectif envisagé se situait plutôt vers 2025. Afin d’assurer la bonne évolution du respect de ces mesures, un rapport sera produit tous les deux ans, la Commission s’assurant le droit d’introduire de nouvelles mesures en cas de retard conséquent. Un premier bilan de ces mesures sera fait en 2028.

Une mesure viable ?

Dans le contexte du réchauffement climatique et du Pacte vert, cette mesure semble nécessaire. La question soulevée réside alors dans la viabilité de cette mesure à l’heure actuelle voire sur le long terme. Aujourd’hui, le nombre de points de recharge électrique n’est pas suffisant. L’industrie est à la traine au niveau des infrastructures. Il faudrait que 3000 bornes soient construites chaque semaine pour que la couverture effective du territoire en recharges électriques – soit un million – puisse être atteinte d’ici 2035. “La transition vers les véhicules électriques va beaucoup plus vite que quiconque ne l’avait jamais imaginé, mais… les infrastructures de recharge devraient déjà être là“, admet  Franz Timmermans, Vice-président de la Commission européenne et chargé du Pacte vert européen.

De fait, des députés du PPE ont questionné non pas le fond mais la forme de cette mesure.  Celle-ci concentre l’entièreté des forces de l’industrie vers une seule énergie: l’électricité. Elle omet les voitures hybrides qui semblent viables et vers lesquelles certaines entreprises telles que Renault se sont déjà tournées. De plus, cette mesure ne s’intéresse pas aux énergies à fuel non-fossile qui constitueraient une solution écologique sur le long terme. Pour les lobbys automobiles, ce focus sur une seule technologie n’est pas pertinent puisqu’il limite les possibilités. Si les moteurs électriques sont aujourd’hui les moins polluants, l’électricité n’est pas totalement neutre en carbone. Sur le long terme, fabriquer de l’électricité pollue (ex: centrale nucléaire…) et n’est pas une solution efficace.

Pour Ralf Diemer, directeur d’eFuels Alliance, représentant plus de 100 entreprises du secteur, “Le but est d’éviter de brûler des combustibles fossiles à l’avenir et de promouvoir l’utilisation de combustibles renouvelables. Cela nécessite un mix de technologies orientées vers l’avenir et non un engagement envers une technologie unique qui est censée être la seule solution“.

Du côté de l’industrie technologique, pour l’instant seules les entreprises Volvo et Volkswagen ont amorcé la transition vers le marché de la voiture purement électrique. L’industrie a déclaré que les mesures de la Commission obligeraient un passage en force rapide aux véhicules à batterie électrique, sans envisager d’alternatives. Sigrid de Vries, directrice de l’Association européenne des fournisseurs automobiles (CLEPA),  lobby représentant les entreprises de fabrication des pièces, systèmes et modules automobiles, s’est exprimée sur la question: “Si vous avez besoin d’une nouvelle voiture en 2036, vous n’aurez pas le choix. La voiture aura un moteur électrique, qu’il corresponde ou non au besoin, qu’il soit abordable ou non, ou qu’il y ait de l’énergie verte et l’infrastructure pour la recharger ou non“.

Un autre point qui n’est pas abordé par le « Fit for 55 » est le plan pour les anciens véhicules qui ne correspondent pas à ces critères écologiques. Comment doivent-ils être recyclés, comment la transition peut-elle être effectuée de manière douce ?

Quelles conséquences pour le citoyen européen ?

Au-delà des seules répercussions sur l’environnement, sur l’industrie automobile, quelles seraient les conséquences pour les citoyens européens ?

La proposition de la Commission stipule que les prix devront être “clairement comparables, transparents et non discriminatoires“. Les Etats membres devront installer des points de recharge tous les 60 km sur les principales autoroutes. Dans le but d’harmoniser les méthodes de paiement dans les 27 pays de l’UE, la Commission exige que les opérateurs de points de recharge acceptent les paiements électroniques à partir de 2027. Mais quand est-il des citoyens ruraux ? Loin des villes et des autoroutes, ils n’auront pas accès aux différents points de recharge.

De plus, la Commission souhaite que les carburants les plus polluants soient les plus taxés. Actuellement, le diesel est moins taxé que l’essence alors que celui-ci est plus polluant en Co². Cependant, ce sont les citoyens qui seront les premières victimes d’une telle mesure. Cette augmentation du prix des carburants couplée au nombre insuffisant de bornes électriques et à l’augmentation des prix des voitures va impacter fortement le quotidien des Européens.

La Commission a déclaré que les coûts des voitures électriques devraient diminuer dans les années à venir. Dès 2027, le coût total d’une voiture électrique (consommation couplée au prix d’achat, entretien…) deviendrait alors inférieur à celui d’un véhicule à combustion.

Une nécessité d’accompagnement et d’adaptation progressive

Il est impératif que la Commission européenne adapte la mise en place de cette mesure jusqu’en 2035, accompagne les transformations de l’industrie et des infrastructures. 

Suite à l’annonce des mesures « Fit for 55 », un porte-parole de l’Association des constructeurs européens d’automobiles a déclaré que « plutôt que d’annoncer des interdictions sur les moteurs à combustion interne à court terme, ce qu’il faut, c’est un engagement politique fort pour mettre en place toutes les conditions favorables à la transition vers une mobilité à zéro émission – telles que les infrastructures de recharge – et de considérer cela comme une affaire de la plus haute urgence ».

Le focus sur les énergies renouvelables, sur des véhicules à fuel alternatif, semble nécessaire afin d’envisager toutes les possibilités d’atteindre l’objectif des zéro grammes d’émission de Co². A l’heure actuelle, l’industrie et la technologie ne peuvent envisager d’autres alternatives que la voiture électrique afin d’accomplir cet objectif. Cependant, les mesures « Fit for 55 » ne doivent pas freiner les avancées de la recherche vers des technologies encore moins polluantes.

Il semble donc nécessaire que ces mesures soient progressivement adaptées d’ici 2035. Pour cela, l’UE doit accompagner l’industrie et mettre en place des infrastructures nécessaires à l’application des mesures annoncées. La Commission doit accompagner non seulement les entreprises mais aussi les citoyens dans leur transition vers des véhicules à moteur électrique.

Avec le réchauffement climatique, dans la lignée du Pacte vert, cette mesure est essentielle – et bénéfique dans le fond. Il est cependant nécessaire qu’un accompagnement effectif des mesures soit effectué par l’UE si elle souhaite atteindre l’objectif de 2035. Régulation européenne doit résonner avec nécessité d’accompagnement.

Cet article est paru dans le numéro 35 du magazine.

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