Le soleil macédonien sera-t-il un jour une étoile européenne ?

28 October 2019 /

5 min

Macédoine

Le 18 juin 2019, le Conseil européen annonça le report des négociations d’adhésion de l’Albanie et de la Macédoine du Nord à octobre 2019. Cette décision, justifiée par la volonté d’avoir du temps pour mener des discussions de fond sur le sujet, a eu comme principal soutien des pays tels que la France et les Pays-Bas. Quatre mois plus tard, l’histoire se répète avec le Danemark comme pays réticent supplémentaire. Skopje deviendra-t-elle un jour une capitale européenne ?
 
Après l’adhésion de la Slovénie et de la Croatie à l’Union européenne, respectivement en 2004 et 2013, la Serbie et le Monténégro devraient être les prochains à rejoindre l’Union avec la date de 2025 annoncée par la Commission. Cependant, la question de l’élargissement occupe encore l’actualité après le refus de trois pays européens par rapport au lancement des négociations avec l’Albanie et la Macédoine du Nord. Comme souligné dans un rapport paru fin mai 2019, la précédente Commission recommande aux différents Etats membres et au Conseil européen de lancer les négociations avec ces deux pays au vu des efforts produits pour se rapprocher des normes européennes.
 

La Macédoine du Nord, un changement de nom pas si anodin

Quatorze ans après la reconnaissance de son statut de candidat à l’adhésion européenne, la Macédoine du Nord (Ancienne « ARYM ») n’est plus la même. Face aux réformes exigées par Bruxelles, Skopje a su progresser dans de nombreux domaines comme le souligne les conclusions du rapport du Conseil européen du 26 juin 2018. Dans ce rapport, le Conseil félicite la Macédoine du Nord pour ses nombreux progrès via des réformes dans les domaines de la justice, des administrations et dans la gestion des finances. Le Conseil salue également le rôle constructif qu’a joué la société civile dans le soutien des processus de transformation démocratique du pays. 
Malgré encore certains manquements comme l’environnement ou encore la libre circulation des biens, la Macédoine du Nord semblait proche d’une possible adhésion européenne. A l’instar du slogan «The sun, too, is a star », référence au drapeau rouge frappé d’un soleil et du drapeau de l’Union Européenne, les astres ne cessent de s’aligner pour l’adhésion de la  Macédoine du Nord. Au bout de 27 années autour du contentieux du nom « Macédoine » entre Athènes et Skopje, une issue fut trouvée. Suite aux pourparlers entre l’ancien Premier Ministre grec Alexis Tsipras et son homologue macédonien Zoran Zaev, la modification du nom « Macédoine » pour « Macédoine du Nord » fut proposée et soumise au vote dans les deux parlements nationaux. Après avoir été validée par les députés grecs et macédoniens, la modification du nom passa par le référendum organisé par Skopje et connut un large succès avec plus de 91% de « oui » (malgré un large boycott de l’opposition et un faible taux de participation).
 

Un responsable pointé du doigt : Emmanuel Macron

Mais voilà, les 17 et 18 octobre dernier, le Conseil européen a décidé de ne pas ouvrir les discussions quant à l’adhésion au sein de l’Union européenne de l’ancienne République yougoslave. Les pays ayant botté en touche sont respectivement le Pays-Bas, le Danemark et la France. Mais pour un bon nombre de soutien à l’adhésion, le « coupable » de ce blocage est Emmanuel Macron.
En effet, le Président français n’est pas le plus grand soutien de l’élargissement ; bien au contraire ! Pour lui, il est encore trop tôt pour parler d’un élargissement tant que certaines réformes ne sont pas menées au sein de l’Union. Il ajoute également vouloir revoir le processus d’élargissement qu’il considère comme étant trop bureaucratique et pas assez à l’écoute des peuples.
Face à ce refus, les critiques envers le locataire de l’Élysée fusèrent depuis les 4 coins de l’Europe. D’Angela Merkel qui parle de « déception » à Jean-Claude Juncker qui parle d’« erreur historique », bon nombre de ténors de la scène européenne sont d’accord pour juger cette volonté de blocage comme étant néfaste.
 

« Une erreur historique de l’UE »

Face à ce revers, déception et désarroi sont les sentiments de Skopje. Depuis longtemps, Zoran Zaev et son gouvernement ont défendu l’adhésion européenne à tout prix. Désormais, les efforts du Premier Ministre sont réduits à néant et l’intégration européenne est remise en question par bon nombre de Macédoniens. Cette situation poussa Zoran Zaev à annoncer sa démission pour la date du 3 janvier 2020 ainsi que des élections anticipés qui auront lieu mi-avril. Le Premier Ministre justifie cette situation comme une réponse à « une erreur historique de l’UE » et soutient l’organisation d’élections qui permettront aux citoyens de décider de la route à emprunter. Dans ce contexte d’incertitude, le Président Nord-Macédonien Stevo Pendaroski a toutefois confirmé que la stratégie de son pays reste l’intégration européenne.
 

Cette situation de blocage de la Macédoine ne fait-elle que des perdants ?

La réponse à cette question n’est pas si simple. La stratégie de l’Union européenne dans les Balkans a toujours connu de nombreuses motivations comme sa position géographique (lieu de passage de plusieurs Euro-corridors) ou encore la volonté de démocratisation. Mais aujourd’hui, le grand danger pour Bruxelles est de voir passer les anciens Etats yougoslaves et l’Albanie sous l’influence d’autres puissances. La Russie a toujours été impliqué dans la région comme peuvent l’attester ses liens forts avec Belgrade. Cependant, la plus grande menace pour les intérêts européens est sans aucun doute la Chine qui ne cesse d’investir dans la région. Cette situation de blocage pourrait donc favoriser la présence chinoise dans les Balkans et accroitre son influence sur l’Albanie ou encore la Macédoine du Nord.
Aussi, l’adhésion à l’Union européenne ne convainc pas l’entièreté de la société nord-macédonienne. Certains espèrent, s’il y a adhésion, une amélioration des conditions de vie et une meilleure situation socio-économique. D’autres regardent avec méfiance Bruxelles de peur de perdre souveraineté et marge de manœuvre à certains niveaux comme l’immigration (la Macédoine du Nord est une étape pour de nombreux migrants tentant de joindre l’Europe par la route des Balkans).
 

Un avenir incertain

L’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union européenne semble une utopie pour le moment au vu des positions française, néerlandaise et danoise. Cependant il est encore trop tôt pour dire jamais. La volonté nord-macédonienne jumelée à une grande majorité d’Etats en faveur de l’élargissement pourrait se conclure par une reprise des discussions. Aussi, le futur commissaire européen à l’élargissement aura un poids non négligeable quant à cette question. 
 
Romain Biesemans est le co-président de Eyes on Europe et est étudiant en première année de master en sciences politiques à l’ULB.

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